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Madagascar célèbre les 60 ans de sa sanglante indépendance

Madagascar commémore vendredi 26 juin les 60 ans de son indépendance. L'ancienne colonie française a connu une période de répression très violente avant de se libérer de la tutelle de la France. Six décennies plus tard, l'île cherche toujours son émancipation.

Le 26 juin 1960, il y soixante ans, Madagascar redevenait un état indépendant. Quelques années plus tôt le pays avait connu une insurrection contre les colons. La répression fut terrible entraînant des dizaines de milliers de morts.

Lorsqu'on regarde les journaux télévisés français de 1960, les reportages donnent pourtant l'impression que l'indépendance de Madagascar s'est préparée et déroulée dans le calme. En réalité, le chemin qui mena à l'indépendance fut l'un des plus sanglants de toutes les anciennes colonies françaises.

Des représailles terribles

Cet ancien royaume intègre l'empire colonial français en 1896. Les colons instaurent alors le travail forcé. Cinquante ans plus tard, le 29 mars 1947, la grande insurrection débute. Les rebelles s'en prennent aux Européens et aux Malgaches qui coopéraient avec les colons, faisant des centaines de morts. 

Les représailles des autorités françaises sont terribles. Plus de 30 000 hommes sont envoyés sur places. Ils procèdent à des exécutions sommaires, des tortures ou encore des incendies de village. L'armée française jette même des suspects depuis des avions pour terroriser la population. Selon les historiens, plusieurs dizaines de milliers de malgaches ont été tués.

"Tous les matins, on nous faisait monter la colline, ce sont les tirailleurs sénégalais qui nous surveillaient et qui nous fouettaient comme des zébus qui tirent une charrette. Ils nous faisaient marcher à quatre pattes sur des cailloux en faisant des allers-retours, deux ou trois fois, ça nous écorchait la peau. Et aujourd'hui, j'ai encore des cicatrices sur mes genoux et dans le dos", raconte Randriamamonjy, un ancien combattant qui avait refusé les travaux forcés.

Une répression inacceptable

Les insurgés sont finalement contraints de se rendre aux autorités françaises. En 2005, lors d'un déplacement sur l'île, le président français de l'époque Jacques Chirac s'exprime sur ce sombre épisode de l'Histoire. Il évoque le caractère inacceptable des répressions engendrées par le système colonial.

Onze ans après l'insurrection, un référendum d'autodétermination est organisé en 1958. Dans la capitale, une majorité est contre l'indépendance, mais le oui l'emporte grâce aux électeurs des zones rurales. Le 26 juin 1960, l'ancien royaume redevient un État indépendant.

Madagascar célèbre les 60 ans de sa sanglante indépendance

"Nous sommes dépendants"

Six décennies plus tard, la lutte pour l'indépendance semble encore d'actualité. Selon l'historienne Lucile Rabeharimanana, le pays cherche toujours son émancipation. "Nous sommes dépendants. En 1960, on était dépendant de l'ancienne puissance colonisatrice de la France. Maintenant nous dépendons, non seulement de la France, mais aussi des grandes organisations financières internationales", résume-t-elle.

Soixante ans après après son indépendance, les défis à relever pour Madagascar sont immenses. Pauvreté, éducation, santé : tous les voyants sont au rouge. L'île fait aujourd'hui partie des pays les moins avancés au monde selon les Nations Unies.

LES GRANDES DATES DE MADAGASCAR DEPUIS L’INDÉPENDANCE

26 juin 1960  Madagascar devient indépendante de la France, sous la présidence de Philibert Tsiranana.
Avril-mai 1972 Un soulèvement populaire réprimé fait une quarantaine de morts. Tsiranana remet les pleins pouvoirs au chef d'état-major, Gabriel Ramanantsoa.
5 février 1975 Ramanantsoa remet le pouvoir au ministre de l'Intérieur, Richard Ratsimandrava, assassiné six jours plus tard. Le 15 juin, Didier Ratsiraka est nommé chef de l'État par un directoire militaire.
30 décembre 1975 La République malgache est proclamée, avec à sa présidence Ratsiraka, après approbation d'une charte de la révolution socialiste.
Juin-août 1991 Mouvement de mécontentement populaire. Des centaines de milliers de personnes se rassemblent pacifiquement sous la bannière du Comité des "Forces vives", présidé par Albert Zafy, qui met en place un gouvernement de transition. Le 10 août, la garde présidentielle tire sur la foule faisant plus d'une centaine de morts.
31 octobre 1991 Mise en place d'une Haute autorité de l'État pour la transition vers la IIIe République, présidée par Albert Zafy.
29 avril 2002 Le millionnaire Marc Ravalomanana est déclaré vainqueur de la présidentielle de 2001, après une crise politico-militaire de presque sept mois.
17 mars 2009 L'armée confie les "pleins pouvoirs" à Andry Rajoelina. L'île est mise au ban de la communauté internationale, qui dénonce un "coup d'État", enfonçant un peu plus encore le pays dans la pauvreté.
17 septembre 2011 Dix groupes politiques signent une "feuille de route", élaborée par la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), prévoyant un gouvernement d'union nationale et des élections.
20 décembre 2013 Hery Rajaonarimampianina est élu président. Ses prédécesseurs étaient interdits de candidature dans le cadre d'un plan de sortie de crise.
27 mai 2015 Les députés votent la destitution de Hery Rajaonarimampianina, accusé d'incompétence et d'avoir violé la Constitution. En juin, la justice rejette la demande de destitution.
21 avril 2018 Des partisans de l'opposition dénoncent de nouvelles lois électorales et exigent la démission du président, accusé de dérive autoritaire. Cette crise s'achève avec la nomination d'un gouvernement d'union nationale.
8 janvier 2019 La justice valide la victoire d’Andry Rajoelina à la présidentielle. Le 19, pour la première fois de l'histoire de l'île, l'investiture du président a eu lieu en présence de ses rivaux électoraux et ses prédécesseurs.