
Une importante semaine diplomatique s'ouvre lundi entre les États-Unis et l'Union européenne pour tenter de mettre à plat les nombreux différends qui s'accumulent depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir.
Les dossiers épineux qui divisent les relations américano-européennes se sont accumulés au fil des mois. Mais l'UE compte bien mettre sur la table ses contentieux avec Washington, lors d’une visioconférence, lundi 15 juin, entre le secrétaire d'État Mike Pompeo et les ministres des Affaires étrangères européens. Cette réunion via écran interposés va permettre de "passer en revue tous les défis sur lesquels Européens et Américains ont des vues convergentes et des positions différentes", a souligné un diplomate européen de haut rang.
Les discussions se poursuivront jeudi avec le ministre de la défense américain Mark Esper à l'Otan. En résumé, cette semaine s’annonce donc être "un moment important pour la relation transatlantique".
The essence of an America First foreign policy is protecting our servicemen & women who put their lives on the line in defense of freedom. We will not stand idly by if the International Criminal Court follows through with its ideological crusade against American service members. pic.twitter.com/dzlYcdcPBp
— Secretary Pompeo (@SecPompeo) June 12, 2020Diviser pour mieux régner
Les points de divergences portent sur l'agressivité de la relation avec la Chine, les tensions provoquées au Proche-Orient par le soutien américain à la politique d'annexions d'Israël, le retrait des États-Unis de l'Organisation mondiale de la Santé au plus fort de la lutte contre la pandémie provoquée par le Covid-19, les mesures de rétorsion contre la Cour pénale internationale sont autant de sujets de contentieux qui appellent une franche explication.
Sur tous ces désaccords, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a multiplié les condamnations, les mises en garde à l’égard des États-Unis. Mais le responsable espagnol ne peut pas cacher les divisions entre les États de l’Union européenne. Nombre de ses déclarations ne sont pas au nom de l'UE car elles ne sont pas endossées par l'ensemble des 27. Une faiblesse que les États-Unis et la Chine ne manquent jamais d’accentuer pour mieux diviser, reconnait un diplomate.
Amid US-China tensions as the main axis of global politics, the pressures to ‘choose sides’ are increasing. In rougher seas, the EU’s own interests and values should be our compass.
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Le retrait des troupes américaines dans le monde
Aux divisions s’ajoutent des problèmes de stratégie des Européens. "L'Union européenne est encore un acteur en quête d'identité. Elle ne sait pas quel rôle elle veut jouer", confie Josep Borrell. Pour le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, "l'Europe doit inventer une troisième voie, faite de fermeté dans la défense de nos intérêts et de nos principes fondamentaux, et d'ouverture à un réel dialogue multilatéral. Une troisième voie qui ne soit ni la guerre froide ni la complaisance naïve".
Cette stratégie est encore en discussion. Et chacune des prises de parole et interventions de Donald Trump laisse les 27 un peu plus circonspects encore. À Madrid et à Berlin, on s’interroge sur la réalité du parapluie de l’ami américain auquel les pays de l'Est continuent à croire dur comme fer. À Berlin, la décision de retirer une partie des troupes américaines stationnées en Allemagne a fait l'effet d'une douche froide dans le pays. Le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas a évoqué un coup dur pour les relations germano-américaines et un risque potentiel pour la sécurité. Le patron du Pentagone, Mark Esper, va devoir calmer les esprits jeudi lors de la visioconférence entre les ministres de la Défense de l'Otan.
Retrait d'Allemagne, retrait d'Afghanistan, retrait d'Irak. Le désengagement américain n'est pas une surprise pour certains alliés. "Donald Trump est en train de passer en revue tous les engagements militaires américains dans le monde, car il cherche où il peut se dégager", explique un diplomate occidental sous couvert de l'anonymat.
L’indispensable soutien américain
À chaque fois que les États-Unis se retirent, l'Otan prend le relais avec une forte composante de troupes et de moyens américains, et il est demandé aux autres alliés de monter en puissance. Or pour Paris et Berlin, "il n'est pas question d'augmenter l'engagement de l'Allemagne pour remplacer les troupes américaines", a averti en février Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre allemande de la Défense, lors de la dernière réunion physique des ministres au siège de l'Alliance.
Le désengagement d'Allemagne est analysé comme un coup de Donald Trump en période électorale. Cette annonce, contrairement à ce que certains espèrent, ne va pas accélérer l'Europe de la Défense, soutient Judy Dempsey de Carnegie Europe.
Quoi qu’il soit, personne n'a intérêt à une brouille avec Washington. "Il n'y a actuellement pas d'alternative crédible à l'Otan, sauf si les Européens sont disposés à payer davantage pour la sécurité", reconnait un diplomate européen de l'Alliance. Et l'Europe a encore besoin des États-Unis. Washington aide militairement les forces françaises au Sahel et a une influence sur la Turquie, un des acteurs du conflit en Libye dans lequel les États-Unis "se sont peu impliqués", souligne le diplomate de haut rang à Bruxelles.
Avec AFP