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Congés, temps de travail, réduction de la dette : l'après Covid-19 sous le signe de l'austérité ?

L’ampleur de la crise économique qui suivra la crise sanitaire sera tel que la France devrait connaître la pire récession de son histoire. Face à une dette qui va exploser, le gouvernement fera-t-il le choix de l’austérité ou de l’investissement ? Éclairage.

Il faudra se poser la question "du temps de travail, des jours fériés et des congés payés". C’est en ces termes que le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a présenté samedi 11 avril, dans un entretien au Figaro, l’épineuse question de la reprise économique, une fois la crise sanitaire passée. "L'important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020", estime le patron des patrons français.

Le gouvernement français anticipe effectivement une récession brutale en 2020 en raison d’un confinement appelé à durer pour endiguer l'épidémie de Covid-19 et d’une reprise qui promet d'être lente. Selon les estimations de Bercy, le produit intérieur brut (PIB) français devrait chuter de 6 % cette année.

"Pour le moment l’économie ne tourne pas, elle est à l’arrêt en raison du confinement, et cela provoque un choc d’offre. Mais lorsque les Français pourront à nouveau travailler, il y aura un choc de la demande car les commandes seront insuffisantes pour faire tourner certains secteurs de l’économie. Nous allons devoir faire face à une récession comme on n’en a jamais connue", détaille l’économiste Michael Zemmour, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, contacté par France 24.

"Ce sera pire que 2008 et même pire que 1929, abonde l’économiste David Cayla, maître de conférence à l’université d’Angers, contacté par France 24. Il y a actuellement 8 millions de travailleurs en chômage partiel, c’est-à-dire dont le salaire est pris en charge par l’État. C’est considérable. Pour l’État, entre la hausse des dépenses et la baisse des recettes, on peut s’attendre à une dette publique qui passera de 100 % du PIB à 120 %, voire 140 %."

"De la communication adressée aux prêteurs"

Face à de telles perspectives, le gouvernement pourrait donc être tenté d’appliquer, comme lors de la crise de 2008-2009, des plans d’austérité. Les déclarations de Bruno Le Maire sur la dette montrent d’ailleurs que cette question est une préoccupation. "Ce que nous faisons, c'est du financement par la dette, c'est un choix responsable et nécessaire qui va éviter une catastrophe sociale et économique à la France mais ça ne peut être qu'un choix provisoire", a expliqué le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, vendredi 10 avril, sur Europe 1, prenant soin d‘ajouter que "nous devons dès que possible et dès que l'économie va redémarrer, réduire cette dette".

Mais les économistes contactés par France 24 n’imaginent pas que les mêmes erreurs des années 2010 seront à nouveau répétées.

"Si on se précipite pour rembourser la dette, on risque d’asphyxier l’économie par des mesures punitives. C’est un vrai danger", prévient Michael Zemmour.

"On sait que l’austérité ne fonctionne pas pour rendre les pays solvables, ajoute David Cayla. Le FMI a montré que la réduction du déficit de la Grèce a davantage diminué l’activité économique que permis le rétablissement des finances publiques. Donc tous ces discours ne sont pas crédibles. Ils ont pour véritable but de rassurer les marchés vis-à-vis de la soutenabilité de notre dette. C’est de la communication adressée aux prêteurs."

Vers le retour d'un État planificateur

Difficile, en effet, d’imaginer des mesures d’austérité à l’heure actuelle alors que le gouvernement travaille sur un plan de relance économique. La question qui se pose est plutôt celle des orientations qui seront données à ce plan.

"Les questions sont les mêmes qu’avant, mais elles se posent de manière plus radicale, estime Michael Zemmour. Va-t-on profiter de cette crise pour miser sur la transition écologique ? Si l’État renforce son action dans l’économie, il aura en tout cas plus de légitimité pour faire de la régulation et ce pourrait être l’occasion d’un tournant stratégique."

"Il faudra tout remettre à plat, juge David Cayla. Ce qui est certain, c’est que l’État sera à la manœuvre pour la relance et la gestion de la dette. Et avec les questions de relocalisation de certaines productions ou de notre indépendance sanitaire qui font surface, nous allons assister au retour de l’État comme planificateur."