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Une nouvelle bataille judiciaire s'annonce pour Roman Polanski

Le cinéaste franco-polonais Roman Polanski, arrêté samedi soir en Suisse à la suite d'un mandat d'arrêt américain datant de 1978, s'apprête à contester son extradition devant les tribunaux de Los Angeles.

La forte mobilisation de ses amis cinéastes et écrivains de par le monde, et d’hommes politiques français, suisses et polonais, n’a pas pour seul effet de réconforter Roman Polanski, au surlendemain de son arrestation à l’aéroport de Zurich, alors qu’il se rendait au Festival du film de la ville. Le but est de faire pression sur les autorités helvétiques et américaines, pour qu’elles abandonnent toute poursuite contre le cinéaste, accusé d’avoir eu des relations sexuelles avec une jeune Américaine de 13 ans, en 1977. Le cinéaste avait fui les Etats-Unis en janvier 1978. Le juge Paul Breckenridge avait alors refusé de rendre un verdict par contumace.

Roman Polanski vient de passer deux nuits en prison dans un centre de rétention suisse. Il se trouve dans une sorte de zone grise légale, puisqu’il a été arrêté par la police suisse à la demande du procureur de Los Angeles, qui a fait parvenir une demande d’extradition provisionnelle. A présent, les autorités suisses attendent la demande d’extradition officielle, qui doit être envoyée dans les 40 jours. Ce délai peut être prolongé de 20 jours. Et Polanski peut faire appel de toutes les phases de la procédure.

"Plusieurs options s’offrent à lui, analyse Gallagher Fenwick, correspondant à Los Angeles. Ou Roman Polanski accepte d’être extradé, ce qui est très peu probable, puisqu’il fuit depuis plus de 30 ans. Mais si c’est le cas, il pourrait être de retour à Los Angeles d’ici quelques jours. La deuxième solution est la plus probable : Polanski se lance dans une longue procédure d’appel, qui pourrait prendre des semaines, voire des mois. Il pourrait gagner contre la procédure d’extradition, d’autant que la nouvelle de son arrestation a provoqué un tollé médiatique et que les politiques s’en mêlent."

L'avocat français de Roman Polanski, Me Hervé Témime, a parlé au quotidien "Le Figaro" d’"un problème de prescription" pour cette affaire. "Faut-il le rappeler, la victime supposée de l'infraction s'est désistée depuis de très longues années". Samantha Geimer, aujourd’hui âgée de 45 ans, avait publiquement "pardonné" au réalisateur il y a six ans.

Mobilisation des politiques et des artistes

Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, et son homologue polonais Radoslaw Sikorski, ont écrit ensemble au secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton, pour demander la libération du cinéaste. "Tout ça n'est pas très joli", a déclaré lundi Bernard Kouchner sur les ondes de France Inter. Le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, a jugé "absolument épouvantable" l'arrestation du cinéaste, ajoutant que le président Nicolas Sarkozy suivait l'affaire "très attentivement".

Une pétition a été lancée pour exiger la "remise en liberté immédiate" du réalisateur et dénonce un "traquenard policier". Parmi les premiers signataires figurent les réalisateurs Costa-Gavras, Wong Kar-wai, Fanny Ardant, Abderrahmane Sissako, Tony Gatlif et Bertrand Tavernier. Depuis ce matin, tous les metteurs en scène, à la Cinémathèque, à l’association des producteurs-réalisateurs, tout le monde se téléphone pour voir ce qu’on peut faire. On ne comprend pas qu’un festival aussi important que celui de Zurich, que je connais bien, invite un grand metteur en scène, et à l’arrivée, le laisse être arrêté, raconte le réalisateur Costa-Gavras. C’est inacceptable. Nous avons fait une pétition et toutes les démarches possibles et imaginables pour essayer de le sortir de ce guet-apens, parce qu’on ne peut pas l’appeler autrement."

Pourquoi l’arrêter maintenant ?

Roman Polanski se rendait régulièrement en Suisse, où, selon son avocat, il possède un chalet, dans la ville de Gstaad. Alors pour quelles raisons l’arrêter aujourd’hui ? Le parquet de Los Angeles a précisé avoir planifié l'arrestation du réalisateur la semaine dernière, après avoir eu connaissance de sa venue à Zurich pour le festival. Le parquet a alors envoyé un mandat d'arrêt. Pour la ministre suisse de la Justice, Eveline Wildmer-Schlumpf, il n'y avait "pas d'autre solution" que de l'arrêter. Et si cela n'a pas été fait avant, c'est que, jusqu’alors, les autorités helvétiques ne connaissaient pas ses voyages à l'avance, a-t-elle assuré.

L’année dernière, Marina Zenovich avait produit un documentaire, “Wanted and Desired”, qui retrace cette affaire, et révèle des faits troublants concernant le sérieux et l’impartialité de l’enquête judiciaire.