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Riad Salamé sur France 24 : "Le système financier du Liban peut redémarrer"

Alors que le pays du Cèdre est englué dans une grave crise économique, Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale du Liban, a accordé un entretien exclusif à France 24 depuis Beyrouth. Il revient sur la situation financière du pays, secoué par des manifestations depuis octobre 2019, alors que les banques cristallisent la colère de la population.

Dans cet entretien accordé à France 24, Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale du Liban, revient sur la situation économique et financière de son pays, qui vit depuis le 17 octobre 2019 au rythme d'une contestation inédite contre une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente. Les banques, qui ont imposé de sévères restrictions aux déposants, cristallisent une grande partie de la colère. La livre libanaise a par ailleurs perdu près de la moitié de sa valeur, dépassant certains jours les 2 500 livres pour un dollar.

"Le Liban a vécu plusieurs épisodes aux conséquences négatives sur son économie et sur son secteur financier", explique Riad Salamé, gouverneur de la Banque centrale du Liban, dans un entretien exclusif accordé à France 24. "Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, le Liban a dû accueillir un million et demi de Syriens, ce qui a été coûteux pour ce petit pays qui a vu sa balance des paiements aller dans le rouge. Le coût estimé par la Banque mondiale pour ces réfugiés était de 18 milliards de dollars", rappelle-t-il.

"Chaque semaine, il y a des rumeurs sur une banque"

"Il y a eu également un changement de climat politique dans la région avec des sanctions imposées sur des pays et des organisations, alors que le Liban était au milieu de tout cela", poursuit le gouverneur de la Banque centrale du Liban, ajoutant que la démission du Premier ministre Saad Hariri en novembre 2017, depuis l’Arabie saoudite, a généré "une sortie des capitaux du Liban" et que les taux d’intérêt au Liban ont commencé à monter. Riad Salamé explique par ailleurs la situation actuelle de son pays par les "conflits politiques internes qui font que le pays est resté de longs mois, parfois des années sans président, ni gouvernement".

Enfin, le gouverneur de la Banque centrale du Liban souligne "le fonds de rumeurs, de rapports négatifs sur le pays et sur son économie, sur sa monnaie, sur ses banques". "Tout cela a fragilisé la confiance", conclut-il.
"Une des manières de déstabiliser le Liban est de déstabiliser son secteur financier", déclare Riad Salamé. "Chaque semaine, il y a des rumeurs sur une banque".

Un milliard de dollars transférés à l'étranger

Riad Salamé indique par ailleurs qu'un milliard de dollars ont été transférés à l'étranger fin 2019, en dépit de restrictions bancaires sur les retraits en devises et les transferts de fonds à l'étranger. "Sur les 1,6 milliards de dollars sortis entre le 17 octobre et la fin de l'année (...), un milliard de dollars ont été transférés à l'étranger par des Libanais", assure-t-il, les 600 millions restants correspondent essentiellement à des provisions de banques étrangères.

Les manifestants soupçonnent des responsables politiques d'avoir effectué des virements à l'étranger malgré les restrictions bancaires drastiques.

Fin décembre, Riad Salamé, conspué par une partie des manifestants, avait annoncé l'ouverture d'une enquête. "Notre enquête sera axée sur ce milliard et nous irons dans les détails", promet-il.

Le gouverneur de la Banque centrale du Liban reste toutefois optimiste et estime que le système financier du pays peut redémarrer "si la situation politique régionale s’améliore" et si le pays reçoit l’appui "de la communauté internationale et arabe". Il souligne par ailleurs que "les Libanais disposent de grande quantité d’espèces gardés chez eux".