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La figure de l'homme providentiel qui entend détrôner le président Nicolas Maduro s'est érodée au fil des mois. Juan Guaido s'est autoproclamé président par intérim du Venezuela il y a un an, mais depuis, rien ne semble avoir changé. L'opposant, en tournée en Europe, tente de raviver la flamme.

Des cheveux blancs lui sont apparus. Les traits de son visage sont plus marqués. En un an, Juan Guaido, visage de la contestation vénézuélienne, a perdu de son panache. Pourtant, le 23 janvier 2019, l'opposant s'autoproclamait, triomphant, président par intérim du Venezuela, après son élection à la tête du Parlement. Le président de l'Assemblée vénézuélienne, âgé de 35 ans seulement, réclamait avec vigueur le départ du président Nicolas Maduro, soulevant l'espoir de tout un peuple soucieux de tourner la page du chavisme.

Douze mois se sont écoulés, et Nicolas Maduro est toujours à la tête d'un pays exsangue plongé dans une crise économique et sociale sans précédent. Hyperinflation, pénuries, corruption rendent chaque jour le quotidien des Vénézuéliens plus éprouvant.

#23Ene Sostuvimos un encuentro con la Canciller de #Alemania Angela Merkel. Nos reafirmó su apoyo y respaldo a la causa venezolana. Todos juntos tenemos la capacidad de hacer la diferencia en Venezuela.

Gracias por el apoyo. #AgendaInternacionalDavos pic.twitter.com/9qqzQc1L7U

— Juan Guaidó (@jguaido) January 23, 2020

"Rien n'a changé"

Face à lui, l'opposition emmenée par Juan Guaido n'est pas parvenue à s'imposer. "Depuis un an, rien n'a changé, constate Florence Pinot de Villechenon, professeure à l'ESCP et directrice du Centre d'études et de recherche Amérique latine - Europe (Cérale), dans un entretien accordé à France 24. Juan Guaido, présenté comme le sauveur, est aujourd'hui à la tête d'une opposition fatiguée." La popularité de l'opposant auprès des Vénézuéliens a chuté, passant de 63 % en janvier 2019 à 38,9 % en décembre, selon l'institut Datanalisis.

Il faut dire que toutes ses tentatives pour renverser le pouvoir sont restées vaines. Ni les manifestations qu'il a organisées début 2019, ni même son appel aux troupes à se soulever, le 30 avril, n'ont abouti : les casernes n'ont pas bougé. L'état-major est resté loyal à Nicolas Maduro.

"Juan Guaido a surestimé ses capacités à forcer la fin du régime de Maduro, poursuit la directrice. Le pouvoir actuel tient par le jeu d'intérêts économiques. La garde rapprochée de l'actuel président vénézuélien n'a pas pris ses distances avec le pouvoir, car les généraux bénéficient de l'argent du trafic d'or, de drogue et de pétrole que le président leur laisse. Et ils ne semblent pas prêts à y renoncer."

Les sanctions économiques de Washington annoncées dès la fin du mois de janvier 2019 n'ont pas non plus suffi. Le dictateur vénézuélien a pu compter sur ses alliés internationaux que sont la Russie, la Chine, l'Iran, la Turquie et Cuba pour contourner l'embargo américain sur les exportations de pétrole. Des soutiens internationaux très précieux quand on sait que le pétrole génère 96 % des recettes du pays. 

Des paroles mais pas d'actes 

L'opposant dispose lui aussi d'alliés de poids. Une cinquantaine de pays, les États-Unis en tête, reconnaissent la légitimité de Juan Guaido. Parmi ses soutiens, il peut compter sur l'Union européenne. Bravant une interdiction de sortie du territoire vénézuélien, le rival de Maduro a entamé cette semaine une tournée européenne. Après s'être rendu le 21 janvier à Londres pour rencontrer Boris Johnson, le 22 janvier à Bruxelles, il a terminé son déplacement européen le 23 janvier en Suisse pour participer au forum de Davos. Son objectif : redorer sa stature internationale, renforcer ses soutiens étrangers. Et repartir avec des propositions concrètes pour une issue à la crise.

Mais à ce jour, les choses paraissent mal engagées. Si l'Espagnol Josep Borrel, le chef de la diplomatie européenne, a apporté son "ferme soutien" à l'opposant et déploré la situation de blocage au Venezuela, il n'a pas été en mesure d'annoncer des actions concrètes de la part de l'UE pour contraindre Nicolas Maduro à accepter la tenue de nouvelles élections. Il faut dire que l'UE peine à s'entendre sur la question. Or toute sanction requiert l'unanimité des États membres dans l'UE. D'ailleurs, Juan Guaido n'attend pas forcément que l'UE se prononce sur de nouvelles sanctions, comme Washington. Car les Vénézuéliens sont les premiers à pâtir de ces sanctions au quotidien.

Concrètement, l'Europe, empêtrée dans le Brexit, "a des dossiers plus urgents à traiter avant celui du Venezuela, note Florence Pinot de Villechenon. Elle ne veut pas non plus prendre le risque d'être accusée d'ingérence. Il y aurait tout de même une marge de manœuvre du côté de Cuba. La coopération économique que l'UE entretient avec l'île pourrait également passer par des contreparties. Et ainsi contraindre La Havane à prendre du recul avec Caracas."

En attendant, "l'usure de l'opposition fait les beaux jours de Nicolas Maduro, qui voit chaque jour l'opposition tomber un peu plus dans l'oubli, observe la professeure. Il peut également compter sur la fuite en masse des citoyens vénézuéliens : ce sont autant d'opposants en moins pour contester la dictature. Il suffirait pourtant de peu de choses pour raviver la révolte populaire."