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En Ukraine, le président maintient son Premier ministre malgré ses propos embarrassants

Le Premier ministre ukrainien Oleksii Gontcharouk a présenté sa démission, vendredi, après la diffusion d'un enregistrement dans lequel il dénigre le président Volodymyr Zelensky. Celui-ci a refusé la démission quelques heures après, en expliquant que l'Ukraine avait besoin de stabilité.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a refusé le départ de son Premier ministre Oleksii Gontcharouk. Ce dernier avait présenté sa démission au président Volodymyr Zelensky, après la diffusion de déclarations désobligeantes à l'encontre du jeune chef de l'État.

"J'ai décidé de donner une chance à vous et votre gouvernement", a déclaré Volodymyr Zelensky, lors d'une rencontre avec le chef du gouvernement, selon une vidéo publiée par la présidence." "Ce n'est pas un bon moment pour secouer le pays économiquement et politiquement", a ajouté le chef de l'État. 

Selon des fuites publiées sur les réseaux sociaux et reprises par les médias, Oleksii Gontcharouk aurait qualifié de "primitives" les connaissances économiques du président et ancien comédien élu en avril dernier.

"Afin de dissiper tout doute concernant notre respect et confiance envers le président, j'ai écrit une lettre de démission et l'ai transmise" à Volodymyr Zelensky, a écrit le Premier ministre sur sa page Facebook. Et d'estimer que le "contenu" des propos diffusés "crée artificiellement l'idée que moi et mon équipe ne respectons pas le président".

"Ce n'est pas vrai", a-t-il ajouté : "Je suis arrivé à ce poste pour appliquer le programme du président", a assuré le chef du gouvernement, avant de se présenter dans l'hémicycle avec ses ministres et d'y répéter son annonce.

Дорогі українці! Останні 4 місяці команда Президента багато працювала над тим, щоб країна змінилась. Вже за цей...

Publiée par Олексій Гончарук - Прем'єр-міністр України sur Jeudi 16 janvier 2020

Oleksii Gontcharouk a affirmé, vendredi, que cet enregistrement avait été falsifié et monté à partir de fragments de propos tenus lors de différentes réunions gouvernementales.

La présidence ukrainienne a confirmé avoir reçu la lettre de démission et indiqué qu'elle serait "examinée". Dans un communiqué, elle a également indiqué que Volodymyr Zelensky avait ordonné aux services de sécurité de déterminer les personnalités impliquées dans cet enregistrement clandestin.

Formellement, c'est toutefois au Parlement qu'il revient d'accepter ou de rejeter la démission d'un Premier ministre.

"Signal très négatif aux réformateurs"

Interrogée par l'AFP, la porte-parole de Volodymyr Zelensky s'était jusqu'alors refusée à tout commentaire. Le Parlement n'a pas indiqué non plus dans l'immédiat quelles étaient ses intentions.

Pour l'analyste politique Volodymyr Fesenko, "il se peut que le président se limite à réprimander son Premier ministre, trop fougueux, et qu'il lui donne une seconde chance", écrit-il sur Facebook.

L'analyste Timothy Ash, basé à Londres, a jugé lui que si Volodymyr Zelensky avait remplacé le Premier ministre parce qu'il a "dit ce qu'il pense" lors d'"une réunion à huis clos", cela aurait envoyé un "signal très négatif aux réformateurs en général".

Dans l'enregistrement présenté comme venant d'une réunion informelle organisée le 16 décembre entre des ministres et des responsables de la banque centrale, les participants y discutent de la meilleure manière d'expliquer leurs décisions économiques à Volodymyr Zelensky, novice en politique et qui était un comédien et humoriste jusqu'à son élection à la présidence en avril.

Oleksiï Gontcharouk aurait déclaré que les explications devaient être particulièrement simples, car "Volodymyr Zelensky a une compréhension vraiment primitive de l'économie".

Jeune libéral

Nommé il y a moins de cinq mois, Oleksii Gontcharouk est l'un des plus jeunes chefs de gouvernement du monde. Cet ancien avocat de 35 ans est partisan de réformes économiques libérales.

Son gouvernement a activement œuvré en faveur de l'ouverture du marché des terres agricoles en Ukraine, une mesure très attendue par les investisseurs mais redoutée par la population.

Oleksii Gontcharouk avait dirigé pendant quatre ans le centre d'analyse BRDO à Kiev, financé par l'Union européenne et dont les activités visent à améliorer le climat des affaires en Ukraine avant d'être nommé chef adjoint de l'administration présidentielle quelques jours après l'investiture de Volodymyr Zelensky. Il a ensuite été propulsé à la tête du gouvernement fin août.

Il fait partie d'une vague de nouveaux visages arrivés au pouvoir avec Volodymyr Zelensky qui promettait de "casser le système" de vielles élites jugées corrompues.

Minée par son conflit avec la Russie et la guerre dans l'est du pays avec des séparatistes pro-russes, l'Ukraine est aujourd'hui considérée comme l'un des pays les plus pauvres d'Europe.

Avec AFP et Reuters