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La justice libanaise interdit à Carlos Ghosn de quitter le pays

Carlos Ghosn a été entendu jeudi par le parquet général du Liban, qui a décidé de lui interdire de quitter le territoire. L'ancien PDG de Renault-Nissan devait s'expliquer sur la notice rouge d'Interpol et sur une requête déposée par un groupe d'avocats concernant un déplacement qu'il a effectué en Israël en 2008,.

L'ancien PDG de Renault-Nissan, Carlos Ghosn, qui a dénoncé, mercredi 8 janvier, lors d'une conférence de presse organisée à Beyrouth, un "coup monté" contre lui au Japon, était convoqué, jeudi 9 janvier, par le parquet libanais, au palais de justice de Beyrouth, dans le cadre d‘une demande d'arrestation d'Interpol et d’une requête déposée par des avocats concernant un déplacement en Israël, effectué en 2008.

Au terme de son interrogatoire sur le premier volet, la justice libanaise a décidé de lui interdire de quitter le pays, apprend-on de source judiciaire. "Le parquet général a adopté une décision interdisant à Carlos Ghosn de voyager et a demandé son dossier" judiciaire auprès du Japon, a précisé cette source, alors que l'ancien PDG de Renault-Nissan a fui le Japon, où il faisait l'objet de quatre inculpations notamment pour abus de confiance aggravé. L'avocat de Carlos Ghosn n'a pas pu être joint dans l'immédiat.

Une deuxième source judiciaire a indiqué à l'AFP qu'en fonction du contenu du dossier, "s'il est avéré que les crimes dont il est accusé au Japon imposent des poursuites judiciaires au Liban, il sera jugé".

"Si aucune poursuite judiciaire ne s'impose en vertu de la législation libanaise, il sera alors libre", a ajouté la source.

L’ancien capitaine d'industrie de 65 ans était convoqué pour un "interrogatoire (...) afin d'écouter son témoignage au sujet de la notice rouge" communiquée à Interpol par le Japon, selon l'agence de presse officielle libanaise ANI.

Détenteur des nationalités française, libanaise et brésilienne, Carlos Ghosn a fui le Japon pour le Liban, qui n’a pas d'accord d'extradition avec le Japon. Le pays du Cèdre a fait savoir qu'il avait reçu une notice rouge d'Interpol, qui consiste à demander aux autorités locales de localiser et de procéder à l’arrestation provisoire d’une personne dans l’attente de son extradition, mais celle-ci n’a presque aucune chance d'aboutir dans la mesure où le pays n'extrade jamais ses ressortissants.

Toutefois, cette procédure impose au parquet général libanais de convoquer l’homme d’affaire. En somme, la justice est contrainte de l'entendre, mais elle seule peut décider de l'arrêter ou de le laisser en liberté. "Chaque pays membre décide de la valeur juridique à accorder à une notice rouge et d’habiliter ou non ses services chargés de l’application de la loi à procéder à des arrestations dans ce cadre", est-il précisé sur le site d'Interpol.

Des avocats éclament des poursuites pour un déplacement en Israël

Jeudi, Carlos Ghosn devait également donner son "témoignage" concernant un rapport soumis à la justice libanaise par des avocats libanais, "sur son entrée en pays ennemi et sa rencontre avec un certain nombre de dirigeants israéliens", souligne l'agence ANI.

"Avoir des rapports avec Israël ce n'est pas une question d'opinion, la loi interdit toute normalisation", a récemment expliqué à l’AFP Hassan Bazzi, l’un des trois avocats ayant présenté une requête auprès du parquet général, et qui l’accusent d'avoir commis "le crime d'entrer en pays ennemi et d'avoir violé la loi du boycott d'Israël",

Le pays du Cèdre est techniquement toujours en guerre avec l’État hébreu, depuis la signature d’un cessez-le-feu en 1949, et revendique toujours des territoires dans le sud du pays, occupés par l’armée israélienne (les hameaux de Chebaa et les collines de Kfarchouba). Et Beyrouth interdit à ses ressortissants de se rendre en Israël ou d'avoir des contacts dans l'État hébreu.

Alors qu'il était encore aux commandes de l’alliance Renault-Nissan, Carlos Ghosn s'était rendu en Israël en 2008 dans le cadre d'un partenariat pour le lancement d'une voiture électrique.

Peu après son retour au Liban, des internautes ont partagé sur les réseaux sociaux une photo, prise en 2008 à Jérusalem, le montrant aux côtés du président israélien défunt Shimon Peres.

En 2017, le célèbre réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri avait eu des démêlés avec la justice libanaise pour des scènes de son film "L'Attentat" tournées en Israël avec des acteurs israéliens. Il avait finalement bénéficié d’un non-lieu, la justice ayant estimé que les faits reprochés étaient prescrits.

Interpellé mercredi lors de sa conférence de presse sur cette question par un journaliste du quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah, Carlos Ghosn s'est "excusé" auprès des Libanais pour cette visite, et ceux parmi eux qui ont été "peinés" par son déplacement.

"J'y suis allé en tant que directeur général de Renault", a-t-il précisé. "J'y suis allé en tant que Français, en raison d'un contrat entre Renault et une compagnie israélienne, j’ai été obligé d’y aller par le comité de direction, j'ai  signé un contrat et je suis rentré".

Et d’ajouter : "Je m’en suis jamais caché auprès des autorités libanaises, et j’ai effectué plusieurs séjours au Liban depuis, sans qu’il ne passe quoique ce soit, je ne sais pas pourquoi, aujourd’hui, drôle de coïncidence, cette question refait surface, qui a intérêt à reparler de cela ?"

Avec AFP