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Du grand débat national à la réforme des retraites, en passant par la mort de Jacques Chirac, l’année politique 2019 a été riche en événements. Retour sur douze mois qui ont agité la France et à nouveau mis Emmanuel Macron en difficulté.
Le chef de l’État avait commencé l’année 2019 en pleine tempête des Gilets jaunes. Il la termine avec une France bloquée par les grèves contre sa réforme des retraites, à laquelle une majorité de Français est opposée. Entre-temps, Emmanuel Macron a enregistré une défaite aux élections européennes et la démission forcée d’un ministre d’État. Rappel des faits.
- Le grand débat national
C’est à Grand Bourgtheroulde qu’Emmanuel Macron lance officiellement, le 15 janvier, en pleine crise des Gilets jaunes, le grand débat national. Censé permettre aux Français d’exprimer leurs doléances en matière de politiques publiques, le grand débat national suscite un vif intérêt chez de nombreux Français. Ceux-ci se prennent au jeu en participant aux réunions organisées par les élus locaux et en postant des propositions sur le site Internet dédié. Mais l’exercice est également critiqué : il est accusé de n’être qu’une opération de communication pour Emmanuel Macron et de manquer d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Le grand débat national confirme par ailleurs la fracture territoriale entre une France des grandes agglomérations et une France rurale, déjà mise en évidence par les Gilets jaunes.
- Emmanuel Macron maintient le cap
Après trois mois de grand débat national et un report d’une semaine de son discours en raison de l’incendie ayant ravagé Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron annonce, le 25 avril, qu’il entend maintenir son cap et ne pas changer les "orientations prises durant [les] deux premières années" de son quinquennat. Près de neuf Français sur dix étaient pourtant favorables à un changement de politique économique et sociale, selon un sondage Viavoice publié le 20 mars, mais le président de la République explique que "les transformations en cours et les transformations indispensables à faire dans notre pays ne doivent pas être arrêtées". Les deux principales annonces concernent les classes moyennes et les retraités, avec une baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu promise pour 2020 et la réindexation des pensions de retraite sur l’inflation.
- Le Rassemblement national en tête des élections européennes
La fin du grand débat national laisse place à une campagne express pour les élections européennes, dans laquelle Emmanuel Macron s’implique grandement. Alors que 34 listes sont proposées aux Français, le chef de l’État, son gouvernement et sa majorité réduisent le scrutin à un duel entre "progressistes" de La République en marche (LREM) et "nationalistes" du Rassemblement national (RN). Pari perdu pour Emmanuel Macron : la liste du RN, menée par Jordan Bardella, arrive en tête le 26 mai avec 23,3 % des voix, devant celle de LREM (22,4 %), conduite par Nathalie Loiseau, dont la campagne n’a jamais décollé. La surprise du scrutin est double : portés par le contexte des marches mondiales pour le climat, Yannick Jadot et Europe Écologie-Les Verts arrivent troisièmes avec 13,5 % des suffrages, tandis que la liste Les Républicains de François-Xavier Bellamy n’obtient que 8,5 % des voix, provoquant dans la foulée la démission du patron du parti, Laurent Wauquiez.
- François de Rugy pincé pour des homards
Ministre d’État en charge de la Transition écologique, François de Rugy est poussé à la démission le 16 juillet après une semaine de tempête médiatique et des révélations en cascade de Mediapart, notamment sur des dîners organisés lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale et des travaux réalisés dans son appartement de fonction de ministre. En quittant ses fonctions, François de Rugy s’en prend violemment aux médias et ose une comparaison avec l’ancien Premier ministre Pierre Bérégovoy, qui s’était suicidé en 1993 alors que des soupçons de corruption pesaient sur lui.
Jean-Luc Mélenchon et les époux Balkany condamnés ; Marine Le Pen, Jean-Marie Le Pen, Louis Aliot, Nicolas Bay, François Bayrou, Marielle de Sarnez, Sylvie Goulard, Richard Ferrand mis en examen ; Jean-Paul Delevoye visé par une enquête préliminaire… L’année 2019 a été marquée par de nombreuses autres affaires mettant en cause les politiques.
- Grenelle des violences conjugales
Dans la France de l’après #MeToo et #BalanceTonPorc, le Premier ministre Édouard Philippe et la secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa lancent, le 3 septembre, sous la pression des associations féministes qui ont mis en lumière la question des féminicides, le Grenelle des violences conjugales. Trois mois plus tard, le même duo annonce plusieurs mesures et notamment une enveloppe de 360 millions d’euros exclusivement consacrés en 2020 à la lutte contre les violences faites aux femmes. Mais les associations féministes sont globalement déçues et critiquent des mesures qui, pour un certain nombre d’entre elles, existent déjà.
- Mort de Jacques Chirac
L’ancien président de la République meurt à son domicile le 26 septembre. Plusieurs cérémonies d’hommage sont organisées, et en particulier une messe, le 30 septembre, à l’église Saint-Sulpice, à laquelle assistent Emmanuel Macron et les ex-chefs d’État Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ainsi que de nombreux dirigeants étrangers, dont Vladimir Poutine. Les Français sont nombreux à vouloir rendre un dernier hommage à Jacques Chirac : ils sont plusieurs milliers à écrire un mot sur les livres d’or mis à disposition à l’Élysée dans un premier temps, puis aux Invalides.
- Début de la Convention citoyenne pour le climat
Promise par Emmanuel Macron à la fin du grand débat national, la Convention citoyenne pour le climat réunit, à partir du 5 octobre et sur plusieurs week-ends jusqu’au mois d’avril 2020, 150 citoyens tirés au sort pour plancher sur une question de taille : comment réduire les émissions de gaz à effet de serre en France d’au moins 40 % d’ici 2030, par rapport à 1990, le tout dans un esprit de justice sociale ? L’exercice, inédit et unique au monde dans son genre, est lancé dans un contexte de demande accrue de démocratie participative. Le chef de l’État s’est engagé à soumettre "sans filtre" les propositions citoyennes soit à référendum, soit au Parlement.
- Débat sur l'immigration au Parlement
Promis à l’issue du grand débat national par Emmanuel Macron, un débat sur l’immigration est organisé à l’Assemblée nationale le 7 octobre, puis au Sénat le 9 octobre. Quelques semaines plus tôt, le président de la République a mis les pieds dans le plat lors d’une réunion avec les parlementaires LREM, leur enjoignant de ne pas devenir les représentants d’un parti "bourgeois" comme le Parti socialiste, coupable selon lui d’avoir laissé filer les classes populaires vers l’extrême droite en sous-estimant la question de l’immigration. Une analyse "à courte vue", selon le sociologue Gérard Mauger, et qui provoqua de nombreux remous au sein de la majorité. En souhaitant ne pas laisser ce sujet au Rassemblement national et aux Républicains, le chef de l’État est accusé de faire le jeu de l’extrême droite. Pour sa part, le Premier ministre se déclare ouvert, lors du débat au Palais Bourbon, à l’instauration de quotas. Ce sera chose faite à partir de l’été 2020, annonce un mois plus tard Édouard Philippe, pour que "la France recrute" en fonction de ses besoins de travail.
- La PMA (bientôt) ouverte à toutes
Le projet de loi bioéthique est adopté le 15 octobre à l’Assemblée nationale et avec lui la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte à toutes les femmes. Le texte, qui doit encore être validé au Sénat au premier trimestre 2020 avant de revenir devant les députés avant l’été, a mobilisé contre lui les militants de la Manif pour tous, mais ces derniers n’ont pas réuni autant de monde que lors des manifestations contre le mariage homosexuel en 2013. En six ans, la société française a considérablement évolué sur ces sujets : plus de 60 % des Français soutiennent la PMA pour toutes, selon différents sondages.
- Bras de fer sur la réforme des retraites
Alors que le gouvernement semblait, en septembre, vouloir jouer la montre sur le dossier des retraites et attendre de passer les élections municipales pour proposer sa réforme, tout s’accélère à l’automne. Sans attendre la présentation détaillée du projet de loi, la CGT et d’autres syndicats lancent le 5 décembre une grève reconductible dans les transports (RATP et SNCF), compliquant le quotidien de millions de Français. Ces derniers se montrent malgré tout de plus en plus opposés à la réforme des retraites proposée par le gouvernement, selon les sondages. En plus de craindre de devoir travailler plus longtemps pour une pension moindre, ils lui reprochent principalement d’ajouter une réforme paramétrique à la réforme systémique. L’âge pivot de 64 ans est farouchement rejeté, notamment par la CFDT, syndicat pourtant favorable à un régime de retraite par points. Le bras de fer entre l’exécutif et les syndicats devrait se poursuivre en 2020, avec une issue plus qu’incertaine.