Les Algériens se sont de nouveau rassemblés dans les rues du pays, vendredi, pour s'opposer à l'élection présidentielle du 12 décembre. En tête de cortège, les journalistes ont défilé pour dénoncer les "intimidations" et "menaces" des autorités.
À deux jours de l’ouverture de la campagne de la présidentielle prévue le 12 décembre, les Algériens se sont de nouveau massivement rassemblés dans les rues, vendredi 15 novembre, pour s’opposer au scrutin. Une élection destinée, selon eux, à régénérer un "système" dont ils veulent se débarrasser.
Apparu le 22 février après le départ d’Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans, le mouvement de contestation, le "Hirak", refuse de s’essouffler. La mobilisation était encore massive pour ce 39e vendredi consécutif de manifestations, malgré la centaine d’incarcérations de manifestants, de militants et de journalistes survenue depuis juin après l’annulation, faute de candidats, d’une première présidentielle le 4 juillet.
Les journalistes algériens étaient d’ailleurs en première ligne. Ceux-ci avaient prévu de couvrir "collectivement" la manifestation hebdomadaire contre le régime. Un acte symbolique visant à dénoncer les "intimidations" et "menaces" des autorités à leur encontre, selon l’un des porte-parole d’un collectif de professionnels des médias.
"Le journalisme n’est pas un crime"
Plus de 300 journalistes de la presse écrite, audiovisuelle et électronique privée, mais aussi de l'audiovisuel public, ont signé un texte dans lequel ils "tirent la sonnette d'alarme". Ils y dénoncent le "harcèlement systématique des médias" en Algérie.
"Nous aurons tous un brassard blanc, pour montrer notre qualité de journalistes libres et indépendants, et nous allons couvrir cette manifestation malgré les injonctions du pouvoir", a déclaré Khaled Drareni, un porte-parole du collectif qui avait prévu de se regrouper juste avant le départ du cortège.
En début de semaine, ce même collectif avait dénoncé, dans un texte publié sur une page Facebook intitulée "Pour sauver la presse algérienne", les "pressions et contraintes (...) qui empêchent les journalistes d'accomplir leur devoir professionnel et d'assurer le service public" de l'information.
"Nous exigeons du pouvoir qu'il cesse d'imposer la censure aux médias publics et privés, et de porter atteinte aux libertés médiatiques afin de garantir le droit du citoyen à une information objective et neutre", indiquent les plus de 300 signataires. Parmi eux figurent une cinquantaine de journalistes de la radio et télévision nationales, dont le ton est très contrôlé.
"Le journalisme n'est pas un crime", soulignent-ils. "L'Algérie traverse une séquence historique que les médias et les journalistes doivent accompagner par un plus grand professionnalisme et la liberté en est l'une des conditions fondamentales".
Depuis plusieurs mois, au moins trois journalistes ont été placés en détention provisoire en lien avec des publications sur les réseaux sociaux. D'autres ont été placés sous contrôle judiciaire.
Une banderole pour les "détenus d'opinion"
Cette vague de répression des manifestations a également conduit, mardi, à la condamnation de 28 personnes à six mois de prison ferme par un tribunal d’Alger. Arrêtées en possession d’un drapeau amazigh (berbère), elles ont été jugées coupables d’"atteinte à l’intégrité du territoire national". Le lendemain, cinq autres personnes, jugées pour les mêmes faits, ont été acquittées par un autre tribunal de la capitale.
À l’intérieur du cortège, vendredi, une longue banderole sur laquelle figuraient les noms et les photos de ces "détenus d'opinion" s'étirait sur une quarantaine de mètres.
Des manifestants très nombreux ont également défilé à Oran et Constantine, les deux autres principales villes d'Algérie, selon des journalistes locaux. Des marches ont également fortement mobilisé dans plusieurs autres localités, selon les sites d'information en ligne et les réseaux sociaux.
Des manifestations qui se sont dispersées sans incident en fin d'après-midi.
Avec AFP