Le procès de Maurice Kamto, principal opposant au président du Cameroun Paul Biya, a été renvoyé vendredi au 8 octobre en raison du malaise à l'audience de l'un des 88 co-accusés. Tous doivent être jugés pour "insurrection".
À peine ouvert au tribunal militaire de Yaoundé, le procès de Maurice Kamto, principal opposant au président camerounais Paul Biya, a été renvoyé vendredi 6 septembre au 8 octobre. Celui qui est arrivé deuxième à la présidentielle de 2018 doit être jugé, notamment pour "insurrection", avec 88 de ses partisans.
Les accusés encourent théoriquement la peine de mort, même ci celle-ci n'est plus appliquée au Cameroun. Le malaise à l'audience de l'un d'eux, Christian Penda Ekoka, ex-conseiller économique du président Biya, a motivé le renvoi du procès, a expliqué Me Michel Ntchalé, l'un des avocats de Maurice Kamto.
Ce procès, qui suscite critiques et inquiétude dans la communauté internationale, s'était ouvert dans un pays longtemps considéré comme un îlot de stabilité en Afrique centrale, où le président Paul Biya – qui règne en maître absolu depuis 36 ans – est de plus en plus contesté et confronté à d'autres crises : rébellion séparatiste des anglophones à l'ouest et recrudescence des attaques de Boko Haram au nord.
Dès l'aube, un impressionnant dispositif de sécurité avait été déployé et empêchait l'accès du tribunal à des militants qui scandaient "Kamto président", l'opposition ayant appelé à venir massivement au procès. Environ 200 policiers en tenue antiémeute occupaient un carrefour en contrebas du tribunal, rapporte un journaliste de l'AFP. D'autres, en armes, patrouillaient à bord de véhicules pick-up. Plus haut, une cinquantaine de membres des forces de sécurité filtraient les entrées du bâtiment.
Depuis la proclamation de la victoire de Paul Biya à la présidentielle, le 8 octobre 2018, pour un septième mandat consécutif, des manifestations pacifiques étaient organisées dans plusieurs villes par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto. Le MRC est l'un des principaux partis d'opposition, arrivé deuxième avec 14,23 % des suffrages selon les résultats officiels du gouvernement, mais il estime toujours avoir remporté le scrutin.
"Hostilité contre la patrie"
C'est à l'issue de l'une de ces marches que Maurice Kamto et des centaines de ses partisans avaient été interpellés par les forces de l'ordre fin janvier. Après plus de sept mois d'emprisonnement, 91 de ces opposants doivent être jugés vendredi pour "hostilité contre la patrie", "rébellion" et "insurrection". Ils risquent théoriquement la peine de mort, même si elle n'est plus appliquée dans ce pays d'Afrique centrale.
"Rien ne justifie que M. Kamto et ses partisans ne soient incarcérés depuis huit mois dans ces conditions", a déclaré jeudi à l'AFP leur avocat français Me Antoine Vey. "Aucun n'a participé à des actes de violences, aucun n'a appelé à des actes de violence ou à la rébellion. Il n'y a pas de raison à leur arrestation en dehors de l'alibi politique", a ajouté celui qui a saisi, fin avril, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies.
À quelques jours de l'ouverture du procès, Maurice Kamto, 65 ans, et ses alliés ont déclaré lundi "être prêts à faire face à la justice pour que la vérité éclate dans cette affaire". Ils ont conditionné leur présence vendredi à un libre accès du public et de la presse à la salle d'audience.
Le soutien des puissances occidentales
Plusieurs représentants de la société civile et des partis d'opposition ont exhorté mercredi les Camerounais à "assister en masse à ce procès, afin d'assurer la transparence du système judiciaire". Avocat au barreau de Paris et ancien ministre délégué à la Justice au Cameroun, Maurice Kamto bénéficie également du soutien dans ce procès des ONG internationales et des puissances occidentales.
En mars, les États-Unis avaient déclaré qu'il serait "sage de le libérer", suivi de près par l''Union européenne, qui avait parlé de "procédure disproportionnée". Les associations de défense des droits de l'homme avaient, elles, dénoncé par exemple la compétence du tribunal militaire à juger ces civils. "Les autorités doivent les libérer immédiatement et abandonner toutes les charges retenues contre eux", avait exhorté fin juillet Amnesty international.
La France réclame la libération des opposants
Longtemps silencieuse, la France, ancienne puissance coloniale, était sortie de son mutisme fin mai, réclamant aussi leur libération. "On connaît les qualités de M. Kamto, nous faisons pression fortement sur le président Biya pour qu'il puisse agir et élargir ces prisonniers", a répété mardi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Les avocats de l'opposant ont transmis au tribunal militaire une liste de 31 témoins, dont deux ministres, le patron de la police et d'autres hauts gradés de l'armée et de la police. Parmi les accusés qui comparaîtront aux côtés de Maurice Kamto, figurent notamment Christian Penda Ekoka, ex-conseiller économique du président Biya, et un célèbre rappeur, Valsero, connu pour ses textes critiques à l'égard du régime de Yaoundé.
Avec AFP