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Le fils du président congolais Sassou Nguesso accusé par une ONG de détournement de fonds

Selon l’ONG britannique anticorruption Global Witness, Denis Christel Sassou Nguesso, fils du président congolais, a détourné en 2014 des millions de dollars des caisses de son pays grâce à un complexe montage financier.

La famille Sassou Nguesso, qui dirige le Congo-Brazzaville presque sans discontinuité depuis 1979, est visée par de nouvelles accusations de détournement de fonds publics. L’ONG britannique Global Witness, spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles, affirme dans un rapport publié mardi 6 août que Denis Christel Sassou Nguesso, fils du président et patriarche Denis Sassou Nguesso, "aurait vraisemblablement extorqué plus de 50 millions de dollars (44,5 millions d’euros) au Trésor congolais, en mettant en place une structure d’entreprise complexe et opaque dans plusieurs pays".

Sur plus d’un an et avec le concours de plusieurs sources, Global Witness a retracé le cheminement de l’argent depuis les caisses du pays – troisième producteur de pétrole d’Afrique subsaharienne –, jusqu’à des sociétés écrans possédées par Denis Christel Sassou Nguesso, par ailleurs député de la ville d’Oyo. "Nous disposons de preuves concrètes tels que des relevés de banque et des documents secrets d’entreprises qui indiquent le passage de l'argent du Trésor congolais à Denis Christel Sassou Nguesso", affirme à France 24 Mariana Abreu, chargée de campagne de Global Witness à l’origine de l’enquête.

Montages financiers et paradis fiscaux

Selon le rapport, 675 millions de dollars (603 millions d’euros) ont été transférés en novembre 2013 par un service congolais chargé de la trésorerie publique à une filiale du groupe brésilien de construction Asperbras, basée dans le paradis fiscal américain du Delaware, pour des contrats de travaux publics. Cette dernière a ensuite mandaté la société chypriote Gabox Limited, créée seulement deux jours plus tôt, pour contribuer à l’élaboration d’une carte géologique du territoire congolais. 50 millions de dollars auraient alors été versés en 2014 à Gabox, en plusieurs fois, à travers de complexes montages financiers passant notamment par le Cap-Vert et les îles Vierges britanniques. L’entreprise, précise l’enquête, n’avait pourtant "aucune expérience évidente, ni de capital financier ou même d’employés".

Gabox est officiellement possédée par l’homme d’affaires portugais José da Silva Veiga, "connu pour être un homme de main de la famille présidentielle congolaise" en ce qui concerne les affaires. En apparence, le fils du président congolais n’est donc pas lié à ce montage qui a tous les atours d’une opération de blanchiment d’argent. Mais Global Witness révèle que la société est la dernière-née d’un réseau d’entreprises chypriotes, que posséderait en réalité le fils du président. Des actes notariés estampillés à Brazzaville montrent que José da Silva Veiga lui a transféré la propriété des entreprises. "Étant donné que Gabox est au bas de l’échelle [du réseau d’entreprises], il est certain qu’elle appartient en réalité à Denis Christel Sassou Nguesso", indique Mariana Abreu. "Il est très rare, lors d’une enquête de ce type, de disposer d’un tel niveau de preuves. Elles ne laissent guère place au doute."

L’argent viré à Gabox a par la suite été versé à plusieurs sociétés basées en Pologne, au Portugal, en Espagne et en Suisse, selon un rapport de la police portugaise qui s’intéresse de près aux activités de José da Silva Veiga. Global Witness soupçonne que les millions de dollars ont servi à financer le mode de vie fastueux du fils du président, dont la famille est connue pour ses achats massifs de biens et propriétés de luxe. Le chef d’État et ses proches sont fréquemment ciblés par des ONG du fait de détournements de fonds dans ce pays très riche en hydrocarbures mais dont près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. La famille est visée par la justice française dans l’affaire dite des "biens mal acquis", pour les dizaines de résidences qu’elle possède notamment à Paris, certaines valant plusieurs millions d’euros. Le neveu de Denis Sassou Nguesso, Wilfrid Nguesso, a par ailleurs été mis en examen en mars 2017 par deux juges d'instruction parisiens pour "blanchiment de détournements de fonds public".

Contactés par Global Witness, l’ensemble des protagonistes visés par l’enquête n’ont pas souhaité réagir, à l’exception de l’entreprise brésilienne Asperbras, qui a déclaré "ne rien savoir sur les transactions conclues par Veiga ou ses sociétés" et réfute "toute allégation de contrats surévalués et d'irrégularités dans le processus de passation des marchés publics congolais". Selon Mariana Abreu, les éléments à charge seront transmis à la justice française, dans le cadre de l’enquête sur les "biens mal acquis", et à celle du Portugal, qui enquête depuis plusieurs années sur "l’homme de main" José da Silva Veiga, accusé de divers délits financiers dans le cadre de ses activités congolaises.