![Guerre au Yémen : Londres suspend ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite Guerre au Yémen : Londres suspend ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite](/data/posts/2022/07/24/1658669372_Guerre-au-Yemen-Londres-suspend-ses-ventes-d-armes-a-l-Arabie-saoudite.jpg)
Une décision de justice a contraint Londres à annoncer, jeudi, l'arrêt des ventes d'armes britanniques à l'Arabie saoudite car l'exécutif "n'a pas évalué" si les Saoudiens avaient "commis des violations du droit international humanitaire" au Yémen.
Le gouvernement britannique a annoncé, jeudi 20 juin, la suspension de ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite pouvant être utilisées au Yémen, après une décision de la cour d'appel de Londres les jugeant non conformes au droit.
Le ministre du Commerce international, Liam Fox, a annoncé cette suspension devant le Parlement, tout en soulignant que le gouvernement allait tenter d'interjeter appel. "Dans l'intervalle, nous n'accorderons pas de nouvelles licences (de ventes d'armes) à l'Arabie saoudite et à ses partenaires de la coalition qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen", a-t-il ajouté.
L'Arabie saoudite intervient militairement au Yémen voisin depuis 2015, à la tête d'une coalition régionale en soutien aux forces progouvernementales opposées aux rebelles houthis, soutenus par l'Iran.
La cour d'appel de Londres a estimé jeudi que la vente d'armes à l'Arabie saoudite par le Royaume-Uni dans le contexte du conflit au Yémen avait été entachée d'une "erreur de droit sur un point important".
L'exécutif britannique "n'a pas évalué si la coalition dirigée par les Saoudiens avait commis des violations du droit international humanitaire par le passé, pendant le conflit au Yémen, et n'a même pas tenté de le faire", a détaillé Terence Etherton, président de la division civile de la cour d'appel.
"Le gouvernement doit reconsidérer la question", a-t-il insisté. Le magistrat a toutefois aussi indiqué que le jugement ne signifiait "pas que les licences d'exportation d'armes vers l'Arabie saoudite" devaient être "immédiatement suspendues".
"Violations graves et répétées" du droit humanitaire international
Pour le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, "la décision du tribunal touche plus à la forme qu'au fond" et "aucune culpabilité n'a été trouvée".
"Les licences de ventes d'armes (qui ont été accordées) vont se poursuivre" et les nouvelles licences "attendront" jusqu'à ce que le gouvernement britannique fasse les "changements nécessaires à ses procédures", a-t-il réagi lors d'une conférence de presse à Londres.
Si les ventes d'armes s'arrêtent, "le seul bénéficiaire va être l'Iran", a-t-il assuré, soulignant que son pays "se bat pour empêcher l'Iran de prendre le contrôle de pays stratégiquement importants".
La justice britannique avait été saisie en 2015 par une organisation militant contre le commerce des armes, Campaign Against Arms Trade (CAAT), qui tentait d'obtenir la suspension des ventes britanniques de bombes et d'avions de chasse à l'Arabie saoudite.
Selon l'ONG, le gouvernement britannique s'est rendu coupable de "violations graves et répétées" du droit humanitaire international en fournissant des armes à la coalition dirigée par Riyad.
L'organisation, qui avait saisi la cour d'appel après avoir été déboutée en juillet 2017 par la haute cour de Londres, a "salué" le jugement rendu jeudi. "Cet arrêt historique signifie que le gouvernement doit maintenant cesser de délivrer de nouvelles licences d'exportation d'armes, suspendre les licences existantes et revoir toutes les décisions d'exporter des armes vers l'Arabie saoudite", a-t-elle déclaré dans un communiqué.
"Tous les autres États de l'UE devraient cesser les ventes d'armes à l'Arabie saoudite"
Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch, qui ont soutenu la procédure, se sont également réjouies. Pour Clive Baldwin, de HRW, "tous les autres États de l'UE devraient cesser immédiatement les ventes d'armes à l'Arabie saoudite".
Avant le Royaume-Uni, l'Allemagne avait décidé de geler les ventes d'armes à Riyad, à la suite de l'assassinat en octobre 2018 du journaliste saoudien Adnan Khashoggi, critique du régime, à l'intérieur du consulat saoudien à Istanbul.
La France s'y est pour sa part refusée. Le gouvernement a d’ailleurs été au centre d’un tourbillon médiatique, fin avril, quand le site Disclose a révélé que les armes que Paris vendait à l’Arabie saoudite étaient bel et bien utilisées pour des offensives dans la guerre au Yémen.
L'organisation non gouvernementale française Acat (Action des chrétiens pour l'abolition de la torture) a profité de la décision britannique pour réclamer à nouveau le gel immédiat des ventes d'armes à Riyad, estimant que la France doit "s'assurer qu'elle ne se rend pas complice des atrocités commises contre les populations civiles au Yémen".
Aux États-Unis, le Sénat a par ailleurs bloqué jeudi une vente d'armes à l'Arabie saoudite et à d'autres pays arabes autorisée par Donald Trump, un signe de défiance à la politique présidentielle favorable à Riyad. Plusieurs élus de la majorité républicaine se sont joints aux démocrates pour voter trois résolutions s'opposant à cette vente. Les trois résolutions devraient être confirmées à la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates. Mais le président américain devrait certainement mettre son veto.
Avec AFP