L'Iran a annoncé, lundi, que ses réserves d'uranium enrichi dépasseraient bientôt la limite prévue par l'accord international sur son programme nucléaire conclu en 2015. Téhéran augmente la pression après le retrait des États-Unis de ce pacte.
Téhéran fait monter monter la pression au sujet de son programme nucléaire. "Le compte à rebours pour passer au-dessus des 300 kilogrammes pour les réserves d'uranium enrichi a commencé et dans dix jours, c'est-à-dire le 27 juin, nous dépasserons cette limite", a déclaré lundi 17 juin Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique.
Le programme nucléaire iranien est encadré par l'accord de Vienne conclu en 2015, qui vise à le limiter drastiquement en échange d'une levée des sanctions économiques internationales. Mais, alors que cet accord était le fruit d'intenses efforts diplomatiques entre l'Iran et le groupe des six – Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie –, Washington s'est retiré unilatéralement du pacte en mai 2018 et a rétabli de lourdes sanctions contre Téhéran.
L'annonce iranienne de ce lundi survient dans un contexte de très fortes tensions entre Téhéran et les États-Unis, qui ont renforcé leur présence militaire au Moyen-Orient face à une "menace iranienne" présumée. Washington accuse aussi Téhéran des récentes attaques contre des pétroliers dans le Golfe – que l'Iran dément.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui voit dans l'Iran une menace existentielle pour son pays, a appelé la communauté internationale à imposer "immédiatement" des sanctions contre Téhéran le jour où son stock d'uranium enrichi passera au-dessus de la limite. Paris a, quant à lui, appelé Téhéran à être "patient et responsable".
Ultimatum de 60 jours sur fond de tensions irano-américaines
Un an après le retrait des États-Unis de l'accord de Vienne, l'Iran a annoncé le 8 mai qu'il ne se sentait plus tenu par les limites imposées par le texte de Vienne à ses réserves d'uranium enrichi (UF6) et d'eau lourde (respectivement 300 kg et 130 tonnes).
Le même jour, Téhéran avait adressé un ultimatum de 60 jours aux États encore parties à l'accord pour qu'ils l'aident à contourner les sanctions américaines. Faute d'obtenir satisfaction, l'Iran a menacé de s'affranchir de deux autres de ses engagements. En l'occurrence, le président Hassan Rohani a indiqué que l'Iran cesserait alors d'observer les restrictions consenties "sur le degré d'enrichissement de l'uranium" et qu'il reprendrait son projet de construction d'un réacteur à eau lourde à Arak (centre), où Behrouz Kamalvandi a tenu sa conférence de presse lundi.
Le réacteur d'Arak a été mis en sommeil conformément à l'accord de Vienne, qui impose également à Téhéran de ne pas enrichir l'uranium à un taux supérieur à 3,67 %, un niveau faible, très en-deçà des quelque 90 % nécessaires pour envisager la fabrication d'une arme atomique.
"Pas plus d'un jour ou deux" pour augmenter le degré d'enrichissement
Behrouz Kamalvandi a indiqué qu'"aucune décision" n'avait encore été prise sur ce que les Iraniens appellent "la deuxième phase" de leur "plan de réduction" des engagements pris en matière nucléaire.
En ce qui concerne l'enrichissement d'uranium, a néanmoins déclaré le porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique, les "scénarios" envisagés "vont d'un passage à 3,68 % jusqu'à n'importe quel autre pourcentage en fonction des besoins du pays."
Quant au réacteur d'Arak, les autorités débattent encore de savoir s'il conviendrait, le cas échéant, de le "reconcevoir ou de le faire revivre", a-t-il dit, avertissant qu'il ne faudrait "pas plus d'un jour ou deux" pour mettre en œuvre une décision d'augmenter le degré d'enrichissement.
Recevant lundi l'ambassadeur de France en Iran Philippe Thiébaud, le président Rohani a déclaré que Paris avait "encore le temps", avec les autres parties, de sauver l'accord, dont l'"effondrement" ne serait "assurément [...] pas dans l'intérêt de l'Iran, de la France, de la région ni du monde", selon le site Internet du gouvernement.
Le PIB iranien devrait chuter de 6 % cette année, après un plongeon de près de 4 % en 2018, selon le Fonds monétaire international. Paris, Berlin et Londres semblent impuissantes à agir face aux sanctions américaines, même si elles ont tenté en début d'année de lancer un mécanisme de troc censé aider l'Iran. Les trois capitales européennes exhortent Téhéran à continuer de respecter l'accord malgré tout.
Avec AFP