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La récente propagation du virus Ebola de la RD Congo en Ouganda a provoqué la réunion, vendredi, d'un comité de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à l'issue duquel "l'urgence sanitaire mondiale" n'a pas été déclarée.

"L'épidémie actuelle d'Ebola ne constitue pas une urgence de santé publique de portée internationale (...) Elle ne constitue pas une menace pour la santé mondiale", a déclaré, vendredi 14 juin, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS, lors d'une conférence de presse à Genève.

Il a en revanche relevé le manque de soutien financier international, estimant que cela "peut retarder l'éradication effective" de l'épidémie. L'OMS a dû "réduire une partie de son travail de préparation dans certains pays voisins en raison du manque de fonds", a-t-il insisté.

Après avoir tué plus de 1 400 personnes en République démocratique du Congo en dix mois, le virus a fait deux victimes en Ouganda, pays frontalier. Un garçon de 5 ans est mort mercredi 12 juin à Bwera, dans le district de Kasese. Sa grand-mère est morte le lendemain, ont indiqué les autorités ougandaises.

Malades "rapatriés" en RD Congo

L'enfant et sa grand-mère décédés en Ouganda s'étaient rendus avec d'autres membres de la famille en RD Congo pour assister aux obsèques d'un proche, lui-même victime d'Ebola. Douze membres de la famille concernée avaient été placés sous contrôle en RD Congo, mais "durant l'isolation, certains membres de la famille ont traversé en Ouganda", a assuré à l'AFP la ministre congolaise de la Santé, Oly Ilunga Kalenga. "Dès qu'ils ont traversé, nous avons contacté les autorités ougandaises."

Placées dans un premier temps en quarantaine, les cinq personnes de cette famille ougando-congolaise, ainsi que leur domestique, ont été "rapatriés" en RD Congo pour y être soignées. "De ce fait, il n'existe aujourd'hui aucun cas avéré d'Ebola en Ouganda", a souligné la ministre de la Santé ougandaise, Jane Ruth Aceng, dans un communiqué.

Cependant, trois cas suspects, sans lien avec l'enfant mort mercredi, ont été placés en quarantaine dans l'unité de traitement d'Ebola de l'hôpital de Bwera. "Des échantillons de sang ont été envoyés à l'Uganda Virus Research Institute (UVRI)", ajoute la ministre dans son communiqué.

Kampala en première ligne face à Ebola

À Kampala, l'annonce des deux premiers morts d'Ebola n'a presque pas été une surprise. Depuis août 2018, date du début de l'épidémie en RD Congo, le pays est en état d'alerte. "L'ouverture de nos frontières aux personnes venant de la RD Congo, où l'épidémie a été confirmée, a rendu inévitable l'anticipation de l'apparition de nouveaux cas en Ouganda", explique Irene Nakasiita, porte-parole de la Croix-Rouge ougandaise, contactée par France 24.

Parmi les mesures préparatoires, "la Croix-Rouge a déployé des centaines de bénévoles pour sensibiliser la population à Ebola. Nous avons aussi [mis en place] des systèmes de surveillance communautaire munis d'ambulances, de manière à ce que chaque cas suspect soit transféré dans un centre d'isolement", précise Irene Nakasiita.

Quelque 4 700 professionnels de santé ont également été vaccinés dans 165 centres de santé, dont celui où a été pris en charge l'enfant décédé mercredi.

Problème des points de passage non officiels

L'Ouganda n'en est pas à sa première épidémie d'Ebola. La plus récente remonte à 2012. En 2000, 200 personnes sont mortes au cours d'une épidémie dans le nord du pays.

Mais dans sa lutte contre le virus, une difficulté persiste : la RD Congo et l'Ouganda partagent 875 kilomètres de frontière difficile à surveiller. Rien qu'au poste-frontière de Mpondwe, dans le sud-ouest de l'Ouganda, quelque 25 000 personnes transitent chaque jour.

Depuis de nombreux mois, les personnes qui souhaitent entrer en Ouganda doivent se plier à des mesures sanitaires strictes. Les piétons comme les conducteurs doivent passer par une tente équipée d'un scanner thermique qui détecte la fièvre. Le lavage des mains au désinfectant est obligatoire et surveillé par des militaires.

Ces mesures ont vraisemblablement permis d'éviter une propagation plus précoce du virus côté ougandais. Mais pour la ministre de la Santé, Jane Ruth Aceng, le principal défi demeure les points de passage non officiels sur la frontière. Connus sous le nom de "panyas" dans la langue locale, ils se résument souvent à des planches de bois pour franchir la rivière ou un simple sentier dans la forêt, et ne font l'objet d'aucune surveillance.

Pour limiter les risques de propagation, les autorités ougandaises ont décidé de suspendre les marchés jusqu'à nouvel ordre et appelé la population à éviter de se serrer les mains ou de se prendre dans les bras.

Irene Nakasiita partage l'inquiétude de la ministre, mais elle a également d'autres préoccupations. "La période d'incubation d'Ebola varie de 2 à 21 jours. Donc si quelqu'un franchit la frontière et est soumis au dépistage avant que les symptômes se manifestent, il y a un risque que […] le contact avec cette personne mette en danger toute la communauté."

Avec AFP