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Frustration et surenchère des États-Unis dans leur conflit commercial avec la Chine

Les États-Unis veulent renforcer les droits de douanes visant la Chine afin de faire plier Pékin. Une stratégie qui illustre l’impasse dans laquelle se trouve les négociations pour en finir avec ce conflit commercial entre les deux superpuissances.

Toujours plus de sanctions. Les États-Unis comptent augmenter en fin de semaine les droits de douanes d’ une grande partie des importations de biens chinois , qui sont déjà taxés, a confirmé la Maison Blanche lundi 6 mai. Cette annonce intervient , alors que les deux superpuissances doivent re venir à la table des négociations cette semaine pour tenter de trouver un compromis qui mettrait un terme à plus d’un an de conflit commercial.

“La Chine est revenu e sur des engagements pris et le président juge que ce retour en arrière n’est pas acceptable”, a expliqué Robert Lighthizer, conseiller au Commerce de Donald Trump, sans préciser à quelles promesses chinoises il faisait référence .

L’impasse des négociations

Dès dimanche, le président américain s’était emporté sur Twitter contre Pékin, menaçant la Chine de nouvelles sanctions. Ce tweet rageur de Donald Trump avait pris une partie des observateurs et des médias par surprise. Les États-Unis et la Chine avaient fait part, ces derniers jours, de leur optimisme quant à la possibilité de trouver rapidement un accord, et la sortie présidentielle apparaissait “comme une provocation risquant de braquer Pékin”, selon Chris Krueger, analyste du cabinet américain de conseils financier Cowen, cité par Bloomberg.

Mais en réalité, “les négociations sont dans une impasse et il est très difficile de voir comment les deux parties peuvent en sortir”, assure Jean-François Dufour, spécialiste de l'économie chinoise et directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse. Pour cet expert, après des mois où les deux pays se sont contentés, essentiellement, de répondre œil pour œil, sanction pour sanction, ils se retrouvent désormais à “devoir discuter des sujets de fond et se rendent compte de la difficulté de concilier leurs points de vue”.

La Chine réclame une fin rapide des sanctions américaines - qui ont commencé à éroder sa croissance - et estime avoir fait suffisamment de concessions pour satisfaire les États-Unis. Pékin a notamment accepté d’importer davantage de produits “made in USA” pendant six ans, et a, surtout, présenté une loi, fin 2018, qui interdit le transfert de technologie obligatoire lorsqu’une entreprise étrangère investit dans le pays. Cette pratique, qui a permis à Pékin de rattraper une partie de son retard technologique sur l’Occident, a souvent été décriée par les partenaires commerciaux de la Chine, États-Unis en tête.

Conditions américaines inacceptables pour Pékin

Washington craint que ces concessions ne se révèlent être que des promesses sans lendemain. “L’administration Trump a compris que le grand problème avec la Chine ce ne sont pas les lois, mais l’application des textes”, explique Jean-François Dufour. Ainsi, la grande concession chinoise sur le transfert de technologie ne vaut rien si, dans les faits, la justice n’en garantit pas le respect. Problème : “Les tribunaux sont contrôlés par le parti communiste, ce qui revient à dire que l’application des lois dépend du bon vouloir du pouvoir politique”, assure ce spécialiste de la Chine.

Par conséquent, les États-Unis demandent la mise en place d’un mécanisme ou d’un organisme indépendant pour contrôler le respect d es engagements. Pour Jean-François Dufour, la Chine ne peut pas accepter un tel mécanisme car cela “revient à priver le régime de toute possibilité d’intervenir dans l’application des règles, ce qui est contraire au principe même qui sous-tend tout le système chinois d’une économie de marché centralisée”.

Le tweet de Donald Trump et la perspective de la hausse des droits de douane “traduisent la frustration des Américains de ne pas réussir à faire plier Pékin”, assure l’expert français. Le président américain pense que la bonne santé actuelle de son économie lui permet de faire traîner encore le conflit commercial en jouant la carte de l’escalade, car Pékin aurait plus à perdre que lui, explique le New York Times. Mais tout dépend de ce que Washington attend de la Chine   : si Donald Trump peut se satisfaire de nouvelles promesses chinoises d’importer davantage de produits américains pour “se présenter lors de l’élection présidentielle de 2020 comme celui qui a obtenu des concessions chinoises, cette stratégie peut marcher car faire davantage de promesses ne coûte pas grand-chose à Pékin”, estime Jean-François Dufour. Mais pour cet économiste, si le président américain espère pousser ainsi Pékin à procéder aux réformes en profondeur souhaitées par Washington, “il n’y a que peu de chance s que cela fonctionne”.