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Les manifestations que connaît le Soudan depuis près de quatre mois, initialement dirigées contre la hausse du prix du pain, se sont rapidement transformées en contestation du régime du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trente ans.

D es milliers de manifestants arrêtés, et 49 personnes tuées. Au Soudan, le mouvement de protestation, a débuté il y a quatre mois, lancé par l’Association des professionnels soudanais à la suite de la hausse du prix du pain. Le mouvement a rapidement évolué en contestation du régime d’Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trente ans. Chronologie.

Décembre : hausse du prix du pain

19 décembre 2018
Après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, objet de pénurie depuis le début du mois, des centaines de Soudanais sortent dans les rues du pays pour protester et incendient le siège du Congrès national, le parti au pouvoir.

Au même moment, le leader de l’opposition Sadeq al-Mahdi , ancien Premier ministre chassé du pouvoir par le coup d’État d’Omar el-Béchir en juin 1989, revient au Soudan après un an d’exil.

"Le peuple veut la chute du régime" scandent les manifestants qui réclament également "liberté, liberté" le 20 décembre. Huit d’entre eux sont tués dans des affrontements avec les forces de l’ordre.

La protestation ne faiblit pas et de nouvelles manifestations éclatent, le 21 décembre, dans la capitale, Khartoum, et sa ville voisine, Omdourman.

Ce n’est que trois jours plus tard, le 24 décembre, que le président el-Béchir s’exprime pour la première fois. Parmi ses déclarations, la promesse de "vraies réformes".

Face à l’escalade de la violence dans le pays, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Norvège et la Canada appellent Khartoum à "éviter les tirs à balles réelles sur les manifestants, les détentions arbitraires et la censure". Pour el-Béchir, les manifestants sont davantage "des traîtres, des agents, des mercenaires" qui "sabotent les institutions de l’État."

Janvier 2019 : Béchir ne cèdera pas
Dès le 1er janvier 2019, une vingtaine de formations politiques réclament un changement de régime.

Après une nouvelle augmentation des prix – des médicaments, cette fois – Omar el-Béchir décide de limoger son ministre de la Santé.

Les manifestants ne plient pas, et en dépit de l’appel du Royaume-Uni, des États-Unis, de la Norvège et du Canada, les forces anti-émeutes tirent à balles réelles dans un hôpital à Omdourman, le 9 janvier. Des manifestants blessés y étaient soignés, selon Amnesty International. Quelques jours plus tard, les manifestations s’étendent au Darfour, région de l’ouest du Soudan.

Le 14 janvier, Omar el-Béchir persiste et signe. Les manifestations ont beau se renforcer, elles n’aboutiront pas à un changement de pouvoir. Une semaine plus tard, au cours d’une nouvelle marche vers le palais présidentiel, dispersée par les forces de l’ordre, plusieurs militants et opposants sont de nouveau arrêtés dans la capitale.

Février : état d’urgence
L’état d’urgence est décrété le 22   février par le chef de l’État qui, par la même occasion, donne un nouveau coup de balai dans ses rangs, en limogeant son gouvernement. Le nouveau Premier ministre, Mohamed Taher Ela, prête serment deux jours plus tard, alors que les manifestants réclament toujours le départ du président el-Béchir.

Le 1er mars, celui-ci remet les rênes du Parti du Congrès National (PCN) à Ahmed Haroun. Dans la rue, la contestation est en baisse en raison de l'état d'urgence et des nombreuses arrestations, mais se poursuit à Khartoum et Omdourman.

Avril : regain de mobilisation
La contestation connaît un net regain, le 6 avril. Pour la première fois depuis le début du mouvement, c’est devant le quartier général de l’armée, à Khartoum, que les manifestants se rassemblent. Les arrestations reprennent de plus belle : 2   496   protestataires sont arrêtés en une journée. Quand le ministre de la Défense soudanais déclare que l’armée ne laissera pas le pays "sombrer dans les chaos", le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lui, appelle toutes les parties à éviter la violence.

Les manifestations se poursuivent avec pour même exigence, le départ d’el-Béchir. Pour cela, les manifestants réclament, lundi 8 avril, l’ouverture de négociations avec l’armée pour former un "gouvernement de transition".

"Transfert pacifique du pouvoir"
Le lendemain, des gaz lacrymogènes sont tirés par les forces de sécurité pour tenter de disperser les milliers de protestataires rassemblés pour la quatrième journée consécutive de manifestations près du QG de l'armée.Onze personnes, dont six membres des forces de sécurité, sont tuées lors de manifestations à Khartoum, malgré l’ordre de la police à ses forces de ne pas "intervenir" contre la foule. Pour que cesse la crise, la police appelle alors à un "transfert pacifique du pouvoir".

Jeudi 11 avril
Des scènes de liesse sont déclenchées dans la population. Alors que les manifestants sont rassemblés, pour le sixième jour consécutif, devant le QG de l’armée, celle-ci  promet "une déclaration importante bientôt ".

Si la situation reste floue, la télévision nationale a interrompu ses programmes pour diffuser en boucle des chants patriotiques et militaires, annonçant par le biais d’un bandeau, une "importante annonce des forces armées sous peu".

Devant le QG militaire de Khartoum, où la protestation s'est organisée depuis cinq jours pour réclamer la démission du président Béchir, une masse de manifestants s’est rassemblée. "Il est tombé, nous avons gagné   !", scandent-ils, alors même que le pays demeure dans l’incertitude quant à l’issue de la crise.