
Déclinant l’invitation à assister, dimanche, aux commémorations du génocide rwandais, Emmanuel Macron a désigné un jeune député pour le représenter. Né au Rwanda et adopté par une famille bretonne, Hervé Berville est un rescapé du génocide.
Hervé Berville sera le "représentant personnel" d’Emmanuel Macron au Rwanda. Invité par le président rwandais à participer, le 7 avril, aux commémorations du génocide des Tutsis au Rwanda, le chef de l’État a fait son choix : il ne s’y déplacera pas, malgré le réchauffement des relations entre Paris et Kigali amorcé l’an dernier par les dirigeants des deux pays. Hervé Berville, jeune député La République en marche (LREM) des Côtes-d’Armor le fera à sa place. Un choix qui n’a rien d’un hasard.
Orphelin d’origine rwandaise, né à Kigali, Hervé Berville est adopté en 1994 à l’âge de 4 ans, alors que le Rwanda s’apprête à connaître un génocide qui durera trois mois et au cours duquel près d’un million de Tutsis (et Hutus modérés) seront massacrés.
Évacué par l’armée française
Avril 1994. L’enfant tutsi, qui a perdu ses parents tout petit, ignore ce qu’il fait dans un avion militaire aux côtés d’autres enfants, ni où ils vont. À bord de cet avion qui décolle de l’aéroport de Kigali sous la protection de l’armée française , son frère aîné, mais aussi d’autres enfants de l’orphelinat français dans lequel il vivait.
À seulement quatre ans, si le petit Gazigwa Hervé – comme il s’appelait – ne sait pas que l’avion qui l’éloigne de son pays est l’un des derniers à évacuer ressortissants français et orphelins rwandais dans le cadre de la mission de sauvetage Amaryllis menée par la France du 8 au 14 avril 1994, il ignore également l’horreur à laquelle il échappe.
Au Rwanda, où le génocide a commencé depuis plusieurs jours, il laisse ses oncles et tantes. En France, il découvre Pluduno, village breton de 2 000 habitants, situé entre Saint-Brieuc et Saint-Malo, où vivent ceux qui deviendront ses parents. Sa mère est laborantine, son père, chaudronnier.
De l’économie à la politique
En Bretagne, il grandit entouré de quatre frères et sœurs et reçoit une éducation catholique. En plus de pratiquer le basket-ball et la musique, Hervé Berville est très bon élève et devient économiste. Diplômé de Sciences Po Lille et de la London School of Economics, et spécialisé dans les questions macroéconomiques du développement, il part deux ans à Maputo (Mozambique) dans le cadre d’un Volontariat international en entreprise (VIE) avec l’Agence française de développement (AFD). La distance entre le Rwanda et lui se réduit. En 2016, c’est au Kenya qu’il part, afin d’y occuper un poste de chargé de programme.
Attiré par la politique, c’est à Nairobi qu’a lieu le déclic. Séduit par le discours "ni droite, ni gauche" d’Emmanuel Macron, Hervé Berville monte un comité local dans la capitale kenyane avant de rentrer en France pour faire campagne. Il est élu le 18 juin 2017 avec 64 % des voix dans son département des Côtes-d’Armor, à l’âge de 27 ans. Dix jours plus tard, le député néophyte, proche du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, est nommé porte-parole du groupe parlementaire LREM à l’Assemblée.
Première participation de la France aux commémorations
En décembre 2018, Hervé Berville, pris en flagrant délit d’ignorance face à un Jean-Jacques Bourdin déterminé, fait de nouveau parler de lui. Resté coi après une question relative à la prime de Noël dont il ignorait visiblement l’existence, le jeune député s’attire railleries et reproches, cristallisant l’exaspération d’une société embourbée dans la crise sociale.
Il en faudra plus pour le décrédibiliser. Celui qui, en août dernier, a rendu à Emmanuel Macron son rapport sur la modernisation de la politique d’aide au développement de la France (dont plusieurs propositions concernent directement le continent africain) bénéficie toujours de la confiance du chef de l’État. En témoigne sa désignation à représenter la France lors des commémorations du génocide rwandais, un symbole d’autant plus fort qu’il s’agit de la première fois qu’un représentant du gouvernement français y prend part.
Samedi 6 avril, 25 ans après l’avoir quitté, Hervé Berville a retrouvé le tarmac de l’aéroport de Kigali. Le Rwanda, il y était déjà revenu une première fois en 2015. La (re)découverte d’une partie de sa famille, dont sa sœur restée là-bas, lui avait alors permis de retracer le passé, assembler les pièces manquantes, comprendre l’histoire de son pays natal, mais aussi la sienne.
Aussi, si le député costarmoricain répond volontiers aux questions posées sur son passé, celui-ci assure néanmoins ne pas nourrir de conflit identitaire. "La France, dans ce moment de douleur, de recueillement, de deuil, est aux côtés du peuple rwandais pour se souvenir et pour rendre hommage", a-t-il déclaré vendredi sur le plateau de TV5 Monde. Cette fois, c'est à titre officiel qu'il se rend au Rwanda. Pas en rescapé du génocide de son pays d'origine, mais en ambassadeur de son pays d'adoption.