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Le comité Léger rend son rapport sur la réforme du Code pénal

Un comité présidé par le haut magistrat Philippe Léger a remis son rapport sur une réforme du Code pénal, ce mardi. Le texte préconise, notamment, de supprimer les juges d'instruction chargés, en France, de conduire les enquêtes.

La justice française s’apprête à vivre un bouleversement qui provoque l’ire des magistrats. Un rapport sur la réforme de la justice pénale - baptisé rapport Léger, du nom du haut magistrat qui préside le comité qui l'a rédigé - a été remis au président français Nicolas Sarkozy, ce mardi. Entre autres mesures, il recommande la suppression de l’un des symboles du système judiciaire français, à savoir le juge d’instruction indépendant chargé, dans le cas d'une procédure pénale, de rassembler les élements constitutifs de l'infraction commise en vue du jugement de son auteur.

Les 600 juges d’instructions que compte la France actuellement sont en charge d’affaires complexes, souvent des crimes graves. Ils sont indépendants du pouvoir politique.


Cependant, depuis qu'une erreur judiciaire impliquant le juge d’instruction Fabrice Burgaud, en 2004, dans le cadre de l'affaire dite "Outreau" - des innocents avaient alors été incarcérés pour pédophilie - s'est produite, de nombreux observateurs ont appelé à une réforme du système judiciaire français.


Selon les médias français, le rapport rédigé par le comité Léger - perçu comme une commande de Nicolas Sarkozy - préconise que les enquêtes pénales relèvent désormais des procureurs nommés par décret présidentiel.


Selon l'hebdomadaire Le Journal du Dimanche (JDD), le rapport Léger estime que le juge d’instruction "cumule les fonctions de juge et d'enquêteur. En d'autres termes, il n'est pas totalement juge, et pas totalement enquêteur", écrit le journal. Dans les affaires qu'il traite, le juge d’instruction est effectivement tenu de fournir des preuves à charge ou à décharge et peut décider si elles doivent être jugées ou non.


De nombreux juges d'instruction soulignent la difficulté de leur travail. Selon le juge Renaud Van Ruymbeke, connu pour avoir enquêté sur de nombreuses affaires politiques et financières, il est difficile d'assumer "sa double casquette" d'enquêteur et d'arbitre.


L’indépendance de la justice en jeu


Les syndicats de magistrats affirment, en revanche, que la suppression des juges d'instruction pourrait menacer l'indépendance du système judiciaire français.

 
"Supprimer le juge d'instruction n'est pas un problème en soi, mais il faudrait, dans ce cas, rendre le parquet indépendant", confie Dominique Barella, ancien président de l'Union syndicale des magistrats (USM), à FRANCE 24, avant d'ajouter : "Dans les pays européens où il n'y a pas de juges d'instruction, les procureurs ne dépendent pas du pouvoir politique."


Mais pour Thomas Clay, professeur de droit à Versailles, la mise en place d'un nouveau système écartant le juge d'instruction comporte le risque de voir certaines enquêtes sensibles enterrées. "Compte tenu du fait que leurs responsables devront se soumettre au pouvoir politique, il ne sera plus possible de faire émerger des enquêtes qui gêneront le pouvoir", explique-t-il.


Des débats parlementaires houleux en vue

Afin d’apaiser ces critiques, le comité Léger propose de remplacer le juge d’instruction par un "juge de l'enquête et des libertés". Il serait notamment chargé d'autoriser les mesures telles que les perquisitions et les écoutes téléphoniques.

Mais, pour Dominique Barella, ces juges existent déjà sans garantir l’indépendance de la justice. "Le juge des libertés existe déjà, mais c’est un juge alibi, un juge qui doit suivre des dizaines de dossiers chaque jour, et qui ne peut assurer un suivi de toutes les affaires", affirme ce membre du Parti socialiste.


La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, doit rédiger dès mardi le projet de loi sur la réforme du système judiciaire français. Une tâche qui s’annonce délicate, car le texte risque de faire l'objet de débats houleux au Parlement. L’un des membres du comité Léger a ainsi déclaré au Figaro, "c'est certain, ça va castagner".

 
La création de la commission sur la réforme du système judiciaire a, elle-même, provoqué une polémique lorsque deux de ses membres s'en sont retirés, à la suite de l’annonce faite par Nicolas Sarkozy, en janvier, de la future suppression des juges d'instruction.