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En Algérie, l’appel à la grève générale divise

En Algérie, une grève générale a débuté dimanche pour contester la candidature à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Mais cette stratégie divise sur les réseaux sociaux.

Les Algériens n’en démordent pas et comptent bien maintenir la pression sur le pouvoir algérien. Une grève générale de cinq jours a débuté dimanche 10 mars à la suite d'un appel lancé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux. L'action marque un nouveau tournant dans la contestation contre la candidature du président algérien Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. "C’est une manière de faire pression sur les autorités pour les amener à retirer la candidature d'Abdelaziz Bouteflika ou à revoir l’élection elle-même", explique sur France 24 Fayçal Métaoui, journaliste à TSA (Tout sur l’Algérie).

"C’est la continuation de ce que nous voyons depuis un peu plus de deux semaines", renchérit Francis Ghilès, journaliste et chercheur affilié au Centre des relations internationales de Barcelone. Pour celui qui a couvert l’Algérie pendant 25 ans pour le Financial Times et la BBC, il faut remonter à 1962 pour voir de telles foules dans les rues. "On est de toute façon à un tournant, mais l’essentiel est que les choses demeurent calme et qu’il n’y ait pas de dérapage. La violence ne mènerait à rien", explique le chercheur.

En Algérie, l’appel à la grève générale semble avoir été entendu, comme en témoignent les photos de rideaux baissés diffusées sur les réseaux sociaux.

Mais cette initiative inédite pourrait paralyser tout un pan de l’économie algérienne, très dépendante des hydrocarbures, et déjà fragilisée par la baisse du prix du pétrole. Par conséquent, l’appel à la grève divise l’opinion. "L’appel à la grève suscite un débat sur les réseaux sociaux et dans la presse", explique Fayçal Métaoui. "Certains disent que cela pourrait ne pas être une bonne idée parce qu’ils confondent grève générale et désobéissance civile, qui est une autre forme de contestation peu connue en Algérie", ajoute le journaliste de TSA.

Les cités universitaires fermées

Dans un article publié samedi 9 mars, le site d’information algérien prévient contre les risques de division que pourrait engendrer la grève au profit du pouvoir : "Observer une grève générale est une mauvaise idée, presque aussi néfaste pour le mouvement populaire qu’un recours à la violence. Une telle initiative produira l’inverse du résultat des marches populaires pacifiques. Ces dernières ont fédéré les Algériens, la grève risque de les diviser et de provoquer des tensions."

Pour contrer la grève des étudiants, le gouvernement a annoncé samedi que les vacances de printemps dans les universités, initialement prévues pour le 4 avril, étaient avancées au dimanche 10 mars. La mesure, prise après les manifestations massives de vendredi à travers le pays, avait pour but de forcer les étudiants à quitter les campus pour retourner dans leurs familles parfois loin des grandes villes. Selon des chiffres officiels, l'Algérie compte plus de 1,7 million d'étudiants, dont près de 630 000 sont hébergés dans des cités universitaires.

"Le ministère de l’Enseignement supérieur n’a donné aucune explication alors que certains étudiants n’ont pas terminé leurs examens. C’est pour empêcher ou éloigner les étudiants qui sont une des locomotives de la contestation. C’est la seule explication qui peut être donnée", estime Fayçal Métaoui.

Mais face à "ces vacances forcées", les étudiants ont décidé de résister en lançant de nouveaux sit-in sur les campus. Des professeurs ont même assuré qu’ils allaient maintenir leurs cours dans plusieurs universités du pays.

Moi, Kamel Abdat, étudiant et enseignant universitaire, je refuse de prendre des vacances et je m'engage à travailler tous les jours, gratuitement,et à donner des cours de littérature,d'Histoire et de théâtre, à tout étudiant qui le désire. Vive les étudiants,vive l'Algérie.

  Kamel ABDAT (@KamelABDAT) 9 mars 2019

Les yeux rivés sur le Conseil constitutionnel

La grève générale doit durer jusqu’au mercredi 13 mars, date à laquelle le Conseil constitutionnel annoncera les candidatures retenues pour la présidentielle. L’institution jugée inféodée au régime pourrait juguler la crise en invalidant la candidature d'Abdelaziz Bouteflika ou au contraire l’amplifier. "Ce sera un moment déterminant parce qu’à Alger, il y a des discussions entre différents groupes pour savoir ce que l’on fait. Or si on décide de remettre l’élection présidentielle, il va bien falloir penser aux solutions de transition", explique Françis Ghilès.

Plusieurs leaders de l’opposition demandent le report du scrutin alors que le régime essuie dejà des défections dans ses rangs. Jeudi 7 mars, ils se sont réunis à l’initiative d'Ali Benfils pour trouver une issue politique aux mouvements de contestation. Mais ils ne s’accordent pas sur le mode d’action, note RFI. Faut-il ou non négocier avec le régime ? "Beaucoup disent qu'il faut débattre, négocier avec ceux qui sont en place, pour une transition, pour des réformes constitutionnelles et aller vers un autre processus électoral sur de nouvelles bases constitutionnelles et légales", a déclaré Abderrezak Makri, le chef du parti islamiste du MSP.

Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen basé à Genève, l’opposition est certes devant un défi énorme mais "c’est la rue qui va probablement imposer un petit peu le rythme et même la nature du changement, à savoir une transition".