Il était encore inconnu il y a quelques semaines. Juan Guaidó, jeune député de 35 ans, s'est autoproclamé président par intérim du Venezuela mercredi, après avoir réussi à remobiliser l'opposition à Nicolas Maduro. Portrait.
Pour Nicolas Maduro, c’est "un gamin qui joue à la politique". Juan Guaidó, 35 ans, était encore inconnu au Venezuela il y a quelques semaines. Et voilà que mercredi 23 janvier, il s’est autoproclamé président par intérim, une annonce qui a reçu l'appui de plusieurs pays sans pour autant être soutenue par l'armée vénézuélienne.
Le jeune député, un grand brun au teint mat, a connu une ascension express. Il est devenu le 5 janvier le plus jeune président du Parlement, la seule institution contrôlée par l’opposition qu’il incarne désormais avec son physique élancé et sa voix posée. "Le facteur personnalité est très important, note Pascal Drouhaud, spécialiste de l’Amérique latine à l’Institut Choiseul, sur le plateau de France 24. Il est très empathique, il sait parler aux foules, il parle avec passion."
Le Venezuela, "c'est un pays habitué à l'incarnation (du pouvoir) et au caudillisme, et l'on est en train de placer une charge importante sur les épaules de Juan (Guaidó). Le changement ne dépend pas que de lui, il dépend de tout le monde", explique à l'AFP le député Juan Andrés Mejia, qui appartient comme Juan Guaidó au parti Volonté populaire (VP) de Leopoldo Lopez.
Soutenu par les États-Unis
Le 13 janvier, les images de son arrestation par les services de renseignement vénézuéliens (Sebin), lors d'une opération spectaculaire au milieu de l'autoroute, alors qu'il se rendait à une réunion politique, font le tour du monde. Il sera relâché au bout d'une heure.
Deux jours après, le vice-président américain Mike Pence l'appelle pour souligner son "leadership courageux" et exprimer le "soutien ferme" des États-Unis à l'Assemblée nationale du Venezuela qu'ils considèrent comme "la seule entité démocratique légitime de ce pays".
Juan Guaidó multiplie les fronts contre le pouvoir chaviste (du nom de l'ex-président Hugo Chavez) : proposition d'un gouvernement de transition, Nicolas Maduro officiellement qualifié d'"usurpateur", promesse d'"amnistie" aux militaires acceptant de rejoindre l’opposition... Il parie sur une grande mobilisation mercredi contre le régime – mobilisation qui a finalement réuni des dizaines de milliers d'opposants à Caracas et dans le reste du pays.
Esprit d'équipe
Jusqu'ici peu habitué aux discours, cet ingénieur industriel aux origines modestes a réussi à remobiliser les adversaires du dirigeant socialiste, prenant au passage de l'épaisseur politique. "Une de ses principales qualités, c'est de monter des équipes. Il comprend les différentes positions et fait tout ce qui est possible pour n'en faire qu'une", explique le député Juan Andrés Mejia.
"Je suis un survivant, pas une victime", aime à rappeler Juan Guaidó, marié et père d'une petite fille, en référence à la tragédie de 1999 dans l'État de Vargas (nord) dont il sortira indemne. En décembre de cette année-là, des pluies diluviennes causent d'énormes éboulements dans cette zone, à 25 kilomètres au nord de Caracas, provoquant la mort de 10 000 personnes, selon la Croix-Rouge. Il vit alors dans cette région côtière avec sa mère et ses cinq frères et sœurs. "Je sais ce que c'est d'avoir faim", confie-t-il.
Juan Guaidó débute en politique en 2007 avec la génération des étudiants qui descendent dans la rue contre le défunt ex-président Hugo Chavez (1999-2013). "Guaidó est un nouveau visage, vu comme un homme de consensus par les modérés et respecté aussi par les radicaux pour avoir participé activement aux manifestations", explique à l'AFP Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet IHS Markit, basé à Londres.
"Espérons qu'il ne nous décevra pas"
Membre fondateur du parti Volonté populaire en 2009, il en devient un des chefs de file, son leader Leopoldo Lopez ayant passé ces dernières années en prison ou assigné à résidence, accusé d'incitation à la violence lors d'une vague de manifestations en 2014.
Suppléant en 2010, Juan Guaidó est élu député de son État de Vargas en 2015. "Je ne savais pas qui c'était. Espérons qu'il ne nous décevra pas", confiait récemment José Hernandez, 24 ans, en assistant à un de ses discours.
Ces dernières années, les précédentes figures montantes de l'opposition, Leopoldo Lopez, Henrique Capriles ou Freddy Guevara, ont fini par disparaître du paysage politique, emprisonné, privé de droits civiques ou en exil.
Avec AFP