Le neuvième acte de la mobilisation des Gilets jaunes, samedi, a une nouvelle fois été marqué par l'agression de plusieurs journalistes. Le secrétaire général de Reporters sans frontières lance un "cri d'alarme".
Alors que le neuvième acte des Gilets jaunes a été marqué par une violence moindre que les précédents rassemblements, les journalistes ont une nouvelle fois été la cible de manifestants. Samedi 12 janvier, plusieurs reporters ont été menacés ou agressés partout en France. Le secrétaire général de l'ONG Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, est monté au créaneau dimanche et a lancé "un cri d'alarme".
Nous demandons aux portes-paroles des Gilets jaunes de dénoncer les violences croissantes contre les journalistes, qui relèvent clairement d’une logique totalitaire. Tout silence serait une forme de justification du lynchage. https://t.co/TEnSNAeHED
Christophe Deloire (@cdeloire) 12 janvier 2019"Incontestablement, hier [samedi], un cap a été franchi", s'est-il inquiété sur le plateau de BFMTV. "On est devant une situation qui est très grave, qui menace d'empirer", a ajouté Christophe Deloire, avant de demander aux responsables politiques de s'exprimer. "Qu'ils disent qu'ils réprouvent, qu'ils condamnent" ces actes, et que "ceux qui ont la parole au nom des Gilets jaunes (...) s'en désolidarisent".
Je rends hommage aux GJ qui dans les manifestations s’interposent face à ceux qui veulent casser la figure des journalistes. Merci de tenir des propos sans ambiguïté contrairement à certains politiques qui se contentent de « ne pas cautionner » ou disent « oui mais » #gj https://t.co/9EunZHuFzV
Christophe Deloire (@cdeloire) 13 janvier 2019Tout en rendant hommage aux Gilets jaunes "qui essayent de protéger" les journalistes pris à partie et en reconnaissant le droit de critiquer la ligne éditoriale d'un média, il a pointé du doigt d'autres manifestants qui "sont dans un chantage antidémocratique inacceptable qui (...) consiste à dire si vous ne couvrez pas les événements exactement comme on l'entend (...) alors on est en droit de vous molester, de vous tabassez et disons-le, de vous lyncher".
"Dans notre démocratie, la presse est libre"
Le ministre de la Culture, Franck Riester, a dénoncé sur Twitter un "ignoble lynchage" à Rouen. Le porte-parole du gouvernement, Benjamin Grivaux a, lui, poussé un "coup de gueule" sur le réseau social : "Depuis des semaines, des équipes de journalistes sont prises à partie et subissent des violences de la part de manifestants partout en France".
"Dans notre démocratie, la presse est libre", a réagi le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, sur Twitter.
Dans notre démocratie, la presse est libre.
Dans notre République, la liberté d'informer est inaliénable.
Violenter des journalistes, c'est attenter à l'une et à l'autre : ils devront en rendre compte devant la Justice.https://t.co/cKJoXpkREQ
Plusieurs journalistes molestés
Lors des précédentes journées de mobilisation, des journalistes, notamment de BFM et de CNews, avaient été agressés ou empêchés de travailler. Cette hostilité a poussé certaines rédactions à embaucher des gardes du corps pour accompagner leurs reporters couvrir les manifestations.
Le journaliste @Raph_journalist de #BFMTV agressé en plein direct sur les #ChampsElysees... Minable! #GiletsJaunes pic.twitter.com/XmZcR8Wqca
Nils Wilcke (@paul_denton) 17 novembre 2018Dans la seule journée de samedi 12 janvier, un agent de sécurité qui accompagnait une équipe de LCI à Rouen a été roué de coups alors qu'il était à terre. Il souffre d'une fracture du nez, a indiqué Thierry Thuillier, patron de l'information du groupe TF1. "Nous condamnons avec la plus grande fermeté cet acte", a-t-il déclaré. Une plainte a été déposée.
À Toulon, deux journalistes vidéo de l'AFP ont été menacés alors qu'ils filmaient des échauffourées, avant de trouver refuge dans un restaurant. D'abord pris à partie par un jeune homme sans gilet jaune, ils ont été poursuivis par une dizaine de personnes et ont reçu "des claques dans le dos, dans la caméra" et un "coup de pied (...) dans la hanche", a raconté l'un d'eux.
À Marseille, une journaliste vidéo de France 3 et deux photographes locaux ont été insultés. "Les journalistes ne font que mentir", a crié le Gilet jaune à l'origine de l'incident. "La seule info, c'est sur les réseaux sociaux", a-t-il poursuivi.
À Pau, un journaliste pigiste a reçu un coup de pied. À Toulouse, une journaliste de La Dépêche du Midi, réfugiée dans sa voiture, a été menacée de viol.
Des Gilets jaunes au secours de journalistes
Dans la nuit de vendredi à samedi, des Gilets jaunes ont bloqué le centre d'impression de L'Yonne Républicaine et ont empêché la diffusion de La Voix du Nord, qui a porté plainte.
Priver nos lecteurs de leur journal en bloquant sa livraison revient à leur interdire de s’informer comme ils le souhaitent. Curieuse conception de la démocratie. #Giletsjaunes https://t.co/vOQazwGOV3
Patrick Jankielewicz (@PJankielewicz) 12 janvier 2019D'autres rédactions avaient également été bloquées par des manifestants. Fin décembre, les Gilets jaunes avaient mené une opération similaire en Loire-Atlantique, empéchant la diffusion de 180 000 exemplaires de Ouest-France, le plus gros quotidien régional de France.
Dans plusieurs cas, ce sont d'autres Gilets jaunes qui ont pris la défense des journalistes, notamment en les exfiltrants pour empêcher un lynchage. C'est ce que n'a pas manqué de rappeler la journaliste de Quotidien dans les lignes du Parisien, Salhia Brakhlia, insultée par des Gilets jaunes. "À chaque fois, la grande majorité nous a défendus en leur disant de dégager de là."
Violences policières
À Paris, un agent de sécurité accompagnant un vidéaste de l'AFP a, lui, reçu des coups de matraque de la part des forces de l'ordre. Confiscation de matériel, tirs de Flash-Ball, menaces, plusieurs journalistes ont signalé des comportements agressifs et inappropriés de la part de la police.
Début décembre, 24 photographes et journalistes victimes de violences policières ont décidé de porter plainte auprès de l'IGPN, la police des polices.
#GiletsJaunes je viens de prendre un tir de flashball dans la nuque
Yann Foreix (@yannforeix) 8 décembre 2018Deux photographes de Libération réfugiés dans un restaurent avaient été témoins de "scènes graves". Ils avaient été sortis, avec des Gilets jaunes, sous une pluie de coups de matraques, ont-ils dénoncé avant de porter plainte.
Avec AFP