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Justice, diplomatie, terres indigènes : les premiers pas du gouvernement Bolsonaro

La toute jeune présidence de Jair Bolsonaro est entrée dans le vif du sujet, mercredi, avec la prise de fonction de ministres pour la plupart inexpérimentés. Ce gouvernement doit mettre en œuvre des changements radicaux au Brésil.

Les choses sérieuses commencent pour le nouveau gouvernement brésilien. Au lendemain de l'investiture de Jair Bolsonaro, ses ministres ont officiellement pris leur fonction, mercredi 2   janvier.

Ce gouvernement est resserré. Il compte 22 ministres, parmi lesquels sept militaires à la retraite, seulement deux femmes et aucun Noir. Nommé par un président d'extrême droite qui veut rompre avec l'ordre établi, il devrait se mettre rapidement au travail pour faire prendre à la première puissance latino-américaine un virage qui s'annonce brutal, tant sur le plan économique que diplomatique et sociétal.

Jair Bolsonaro ne s'est exprimé qu'à l'occasion de l'entrée dans ses fonctions du nouveau ministre de la Défense, signe de l'importance qu'il accorde aux questions militaires. "Le peuple, dans sa grande majorité, veut de la hiérarchie, du respect, de l'ordre et du progrès", a affirmé le chef de l'État, citant la devise du Brésil, "Ordre et progrès".

Poids lourd du gouvernement, Paul Guedes, le ministre ultra-libéral de l'Économie auquel revient un portefeuille très élargi, a déclaré pendant son investiture que "la réforme des retraites était le premier et le plus grand défi" du gouvernement. Après l'intervention du ministre - qui a évoqué les "trois piliers" de sa politique   : retraites, privatisations et réforme fiscale -, l'indice Ibovespa de la Bourse de Sao Paulo s'envolait, passant pour la première fois au-dessus du seuil des 90   000 points.

Défis immenses

Les défis à venir pour le gouvernement de Jair Bolsonaro sont immenses   : redressement économique, épineuse réforme des retraites, privatisations, stature du Brésil dans le monde ou lutte contre la criminalité et la corruption qui gangrènent le Brésil. Tour d’horizon de certains des dossiers les plus brûlants.

"Besoin de politiques plus générales contre la corruption"

Le nouveau ministre de la Justice du Brésil, Sergio Moro, ancien juge emblématique de la lutte contre la corruption, a promis lors de sa prise de fonctions de lutter de façon encore plus efficace contre ce fléau.

"La corruption ne se combat pas seulement avec des enquêtes ou des condamnations [...]. Ça ne suffit pas", a-t-il affirmé en justifiant ainsi sa décision de quitter la magistrature pour accepter un poste au sein du gouvernement du président d'extrême droite.

"Nous avons besoin de politiques plus générales contre la corruption, des lois qui rendent le système judiciaire plus efficace", a ajouté l'ex-magistrat qui jugeait depuis Curitiba les dossiers de l'opération "Lavage express", enquête tentaculaire qui a permis de mettre des dizaines de dirigeants sous les verrous, dont l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

"Un juge de Curitiba ne peut pas faire grand chose au sujet de ces politiques plus générales, mais maintenant, au gouvernement, il se peut que ce soit différent", a avancé Sergio Moro. Le nouveau ministre a également établi comme l'une des ses priorités la lutte contre le crime organisé, dont les principaux chefs commandent le trafic de drogue depuis les prisons.

"Les groupes criminels qui parfois contrôlent nos prisons sont de plus en plus puissants. Il faut les affronter avec des lois plus efficaces, avec intelligence, par le biais d'opérations coordonnées avec les différentes polices", a-t-il expliqué.

Une nouvelle politique étrangère sur le modèle des États-Unis

En rupture avec la tradition de multilatéralisme du Brésil, la politique étrangère devrait être largement inspirée par celle du président américain, Donald Trump, que Jair Bolsonaro admire et qui s'est réjoui de son arrivée au pouvoir.

Les États-Unis et le Brésil vont entretenir une "relation transformée", a ainsi déclaré mercredi à Brasilia le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, au lendemain de l'investiture de Jair Bolsonaro.

"Nous pensons qu'il y a une opportunité entre les présidents Trump et Bolsonaro et nos deux équipes de créer une [relation] réellement transformée entre nos deux nations", a déclaré Mike Pompeo dans un entretien avec le chef de la diplomatie brésilienne qui prenait ses fonctions, Ernesto Araujo.

"Les États-Unis sont prêts à travailler à vos côtés" sur le plan économique "mais aussi de la sécurité", a-t-il ajouté. Il a également évoqué une "opportunité de travailler ensemble contre les régimes autoritaires", allusion à Cuba ou au Venezuela.

La politique étrangère de Jair Bolsonaro ressemblera beaucoup à celle du locataire de la Maison blanche   : rejet du multilatéralisme, des régimes étrangers de gauche, rapprochement avec Israël, critique de l'expansionnisme chinois ou climato-scepticisme.

Les terres des peuples autochtones face aux intérêts de l'agrobusiness

La protection de l'environnement et notamment de l'Amazonie, poumon vert de la planète, représente un autre défi. Le président élu a déjà fait savoir qu'il ferait passer les intérêts miniers et agricoles en premier.

Jair Bolsonaro a pris une mesure polémique dès le premier jour de son mandat en plaçant sous la tutelle du ministère de l'Agriculture la démarcation des terres attribuées aux peuples autochtones, par une ordonnance publiée mardi soir. Le ministère aura sous sa responsabilité "la réforme agraire, la régularisation de la propriété dans les zones rurales [...] et les terres indigènes", indique l'ordonnance publiée au Journal Officiel.

Auparavant, l'attribution de ces territoires réservés aux peuples autochtones était régulée par la Fondation de l'Indien (Funai), organisme publique chapeauté jusqu'à présent par le ministère de la Justice.

Jair Bolsonaro a confié le portefeuille de l'Agriculture à Tereza Cristina da Costa, leader du groupe parlementaire "ruraliste", qui défend les intérêts de l'agrobusiness, soutien important du président lors de sa campagne. Pour les défenseurs de la cause indienne, ce transfert de compétences dans la démarcation des terres revient à livrer les territoires ancestraux à l'appétit vorace de l'agrobusiness.

Le nouveau président avait également l'intention de fusionner les ministère de l'Agriculture et de l'Environnement, mais a fait machine arrière en raison du tollé provoqué par cette perspective.

Avec AFP