
Face à la décision du gouvernement d'augmenter les frais d'inscription pour les étudiants extra-communautaires, les concernés se mobilisent. Les présidents d'université ont demandé lundi au gouvernement la suspension de la hausse.
"Si ça augmente, je suis contraint de rentrer", résume Mamadou, en master de sociologie à Paris-8, arrivé sans aide boursière de son pays. "Je travaille au McDo, je gagne 500 ou 600 euros par mois, le loyer est de 450 euros. C'est le ramadan tous les jours !", lance, grinçant, le Guinéen quand on lui demande comment il fait pour manger.
Le gouvernement a annoncé en novembre qu'il allait très fortement augmenter les frais d'inscription pour les étudiants hors-UE, qui passeront de 170 à 2 770 euros en licence, et de 243 à 3 770 euros en master à la rentrée 2019, soit "un tiers du coût réel" de leur scolarité pour les finances publiques. Une hausse massive qui préoccupe grandement les étudiants concernés, bien souvent issus de pays où le niveau de vie n'est en rien comparable avec celui de la France.
#BienvenueEnFrance : sélection sur chéquier et nationalité. Photos du rassemblement contre la hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers extra-européens.
✊???? Si vous ne l'avez pas encore fait, signez la pétition svp : https://t.co/2H5asDW2Xo pic.twitter.com/zqRNrpmrqE
Pour Tidiaine, Sénégalais de 24 ans qui étudie en alternance, cette mesure "vise surtout les étudiants africains", envers qui la France a pourtant "une responsabilité" qu'elle "ne remplit pas".
En licence de géographie à Paris-8, Lamine, 23 ans, espère échapper à cette mesure avant la fin de son cursus. Mais pour ce Sénégalais plein d'ambition, arrivé en France avec deux romans dans ses bagages et qui rêve d'un doctorat, "la différence va être énorme".
Solidarité avec les étudiant.e.s du monde entier ???????????? tout le monde contre #BienvenueenFrance !!!!! On étudie ici, on reste ici ????????. pic.twitter.com/tfGUjlmhdT
María. (@Majojoglez) 1 décembre 2018"Je suis dans une situation critique. Je vis chez un retraité en échange de petits services, mais je dors dans la cuisine. Le week-end, je donne des cours particuliers pour 20 euros en tout. Je suis totalement exploité, mais si je ne le fais pas, je n'ai pas d'argent", raconte d'une voix étranglée le jeune homme, qui cherche désespérément un petit boulot.
Depuis début décembre, plusieurs universités ont lancé un mouvement de contestation, en profitant de la vague des revendications des Gilets jaunes. Les universités de Nantes, Tolbiac, Rennes-2 et Nanterre ont notamment été bloquées en signe de solidarité avec les étudiants extra-communautaires.
#Nanterre vote à la majorité absolue le #blocage de la fac et un #siting devant le #ministère de l'#éducation lors d'une #assembléegénérale rassemblant environ 2000 personnes.#blocus #BienvenueenFrance #GiletsJaunes #Etudiant pic.twitter.com/DW6Gd6rTr9
Foto Graf (@_Foto_Graf_) 10 décembre 2018Le soutien des présidents d'université
Dans leur combat, les étudiants étrangers ne sont pas seuls. La conférence des présidents d'université (CPU) a demandé lundi 11 décembre au gouvernement de suspendre cette hausse.
"La France a besoin des étudiants internationaux qui contribuent à son développement et à son rayonnement dans le monde", écrit la CPU dans un communiqué.
Pour les présidents d'université, le plan du gouvernement "propose des mesures positives et attendues". "Mais l'augmentation générale des droits d'inscription annoncée ne constitue pas une réponse adaptée, car elle porte en elle le risque important d'exclure des étudiants et des doctorants que nous accueillons aujourd'hui", ajoute-t-elle.
[CPU - Communiqué de presse] Étudiants internationaux : il est urgent d’ouvrir la concertation :https://t.co/jcGeLQhk1G pic.twitter.com/IwwFhd9bEV
CPU (@CPUniversite) 10 décembre 2018Regrettant une absence de concertation, son conseil d'administration "demande que l'entrée en vigueur des dispositions en cause soit suspendue".
Les deux principaux syndicats étudiants français se sont également indignés de la mesure. "Ce n'est pas aux étudiants de contribuer au sous-financement de l'enseignement supérieur par l'État", proteste ainsi le premier syndicat étudiant, la Fage.
Une hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers va entraîner "un renforcement de la précarité sociale et une fermeture des portes de l'enseignement supérieur français", prévient de son côté l'Unef.
A paris, des milliers de jeunes mobilisés aujourd’hui, lycéen•ne•s et étudiant•e•s, contre l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiant•e•s étranger•e•s, contre la sélection à l’université et la réforme du bac !#MemesEtudesMemesDroits #ParcourSup #MardiNoir pic.twitter.com/7Ex0dZUKVJ
UNEF (@UNEF) 11 décembre 2018La ministre se veut rassurante
Dans une lettre adressée lundi aux présidents d'université et aux directeurs des écoles de l'enseignement supérieur, transmise à l'AFP, la ministre Frédérique Vidal, s'est voulu rassurante.
Les étudiants internationaux qui "résident depuis plusieurs années en France (...) acquitteront les mêmes frais d'inscription que les étudiants européens", écrit-elle notamment. De même, les étudiants qui ont déjà commencé leurs études en France "ne sont en aucun cas concernés par ces frais différenciés", assure-t-elle.
Notre objectif est d’accueillir davantage et mieux les étudiants internationaux. La complexité administrative est un vrai sujet dans notre pays. #ChooseFrance c'est aussi une ↗️des bourses et le financement de tous les services dont ont besoin les étudiants internationaux.
Frédérique Vidal (@VidalFrederique) 11 décembre 2018Elle rappelle avoir donné aux établissements et écoles de l'enseignement supérieur une grande "latitude" pour délivrer des bourses et exonérations aux étudiants étrangers et promet le lancement dans les prochains jours d'une "concertation".
Une hausse étendue aux étudiants français ?
Une autre crainte récurrente est que le renchérissement des frais soit à terme "étendu à l'ensemble des étudiants", redoute Emma, étudiante française en histoire à Tolbiac.
Alimentée par les fuites d'un rapport de la Cour des comptes, cette crainte reste très présente dans les manifestations, même si le Premier ministre, Édouard Philippe, a assuré le 21 novembre que cela n'était pas "dans les projets" du gouvernement.
Avec AFP