
Le Premier ministre a fait mercredi à l’Assemblée nationale, en lieu et place des questions au gouvernement, une déclaration "sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat".
L’opération déminage se poursuit. Après ses annonces, la veille, pour tenter de calmer la colère des Gilets jaunes, Édouard Philippe a fait un pas de plus, mercredi 5 décembre, en affirmant d'abord, lors de son discours à l’Assemblée nationale, être ouvert à un abandon pur et simple de la hausse des taxes sur les carburants et à un débat sur l’ISF, puis en déclarant que la taxe carbone ne figurerait pas dans le budget 2019.
"Si nous ne trouvons pas les bonnes solutions, a-t-il dit dans un premier temps, nous n'appliquerons pas" l'augmentation de la taxe carbone, initialement prévue au 1er janvier et qui a agi comme détonateur de la fronde, avant que l'exécutif ne la suspende mardi pour six mois.
#Moratoire sur la hausse des taxes sur les #carburants : "Nous avons décidé de les suspendre pas pour endormir ou pour tromper mais pour débattre (...) si nous ne trouvons pas les bonnes solutions nous n'appliquerons pas cette taxe", assure @EPhilippePM. #GiletsJaunes #DirectAN pic.twitter.com/In74Qm7CfO
LCP (@LCP) 5 décembre 2018Le Premier ministre, qui ne veut entendre parler ni de "nouvelles taxes", ni d’"augmentation des déficits", s'est dit ouvert à des "États généraux" sur les impôts et les dépenses publiques, "comme le réclament bon nombre de manifestants".
Philippe sur l'ISF : "Nous ne craignons pas ce débat. Il est nécessaire. Il aura lieu"
Quant à la réforme de l'ISF, supprimé en 2017 et transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI), Édouard Philippe a confirmé qu’un "bilan" d'experts se tiendrait en 2019. "Nous ne craignons pas ce débat. Il est nécessaire. Il aura lieu", a-t-il lancé, même si selon Les Échos, Emmanuel Macron s'est fermement opposé, mercredi matin en Conseil des ministres, à tout rétablissement de cet impôt.
Le Premier ministre a d'ailleurs réaffirmé que "le cap" fixé "en mai 2017 est le bon" et a prévenu les "factieux" et les "casseurs" que le gouvernement et les forces de l’ordre seraient "intraitables". "Je peux entendre la colère, mais je ne peux pas accepter la violence et je combattrai toujours la haine", a-t-il affirmé.
"Vous avez laissé germer les graines de la colère"
Le discours d’Édouard Philippe a été suivi par l’intervention d’orateurs des différents groupes politiques. L’opposition a fustigé les décisions du gouvernement et du président. "Monsieur le Premier ministre, j'ai écouté avec attention votre discours, et je l'ai entendu, comme beaucoup je crois ici, comme une sorte de bilan d'adieu", a lancé Jean-Luc Mélenchon. "Il paraît que vous demandez aux gens raisonnables de rester chez eux samedi" mais "ils iront quand même dans la rue", a assuré le leader de La France insoumise. "Allez dire au monarque présidentiel que les gens raisonnables sont sur les ronds-points et dans les rues et qu'ils n'en partiront pas avant que vous ayez cédé pour de vrai ou que vous soyez parti. Cédez ou partez. Et comme vous partez, cédez avant."
"Heureux les jours que nous vivons, puisqu’enfin la France est entrée en état d’insoumission générale contre un ordre injuste qui durait depuis trop longtemps !", dit @JLMelenchon.#GiletsJaunes #DirectAN pic.twitter.com/tMk5y8WpW6
LCP (@LCP) 5 décembre 2018"Vous avez laissé germer les graines de la colère. Aujourd'hui, les Gilets jaunes sont rejoints par les agriculteurs, les lycéens, les étudiants, les ambulanciers, les transporteurs, les infirmiers, les retraités, tous les Français qui n'en peuvent plus des injustices que vous ne combattez pas ou que vous avez aggravées", a jugé Valérie Rabault, présidente des députés socialistes. "Donnez un acte concret en revenant sur votre suppression de l'ISF et ouvrez ces états généraux du pouvoir d'achat, maintenant", a-t-elle demandé.
À droite, le chef de file du parti Les Républicains à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, a estimé que "le vrai responsable" était "à l'Elysée". "En pariant sur la stigmatisation et d'une certaine manière sur le pourrissement, en étant incapable de répondre au bon moment aux cris de détresse, venus de tous les milieux, de toutes les classes sociales et de tous les territoires, vous avez semé la discorde et la violence."
"Les illettrés de Gad, les gaulois réfractaires, ceux qui ne sont rien, ceux qui roulent au diesel et tant d'autres ont décidé de relever la tête", lance Christian Jacob (LR).#DirectAN #GiletsJaunes pic.twitter.com/Aq0bm0N7fO
LCP (@LCP) 5 décembre 2018Des annonces qui ne répondent pas aux attentes selon les Français
"Il est de la responsabilité du président de la République de s'adresser aux Français le plus rapidement possible, a ajouté Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir. En tant que garant de l'unité de la Nation, il doit ramener le calme et redonner de l'espoir. Nous regrettons son invraisemblable silence et son entêtement à ne rien écouter, ni céder... jusqu'à hier."
Sans doute conscient que les annonces de la veille n'étaient pas suffisantes – pour près de huit Français sur dix (78 %), les annonces du gouvernement ne répondent pas aux attentes exprimées par les Gilets jaunes, selon un sondage Elabe diffusé le 5 décembre –, Édouard Philippe a conclu les débats en affirmant que "la hausse de cette taxe [carbone] est désormais abandonnée dans le PLF 2019", semblant ainsi abandonner l'idée du moratoire de six mois.
.@EPhilippePM : "Aux #GiletsJaunes, à tous les Français, à vous mesdames et messieurs les députés, je dis que le gouvernement est prêt au dialogue."#DirectAN #FiscalitéEcologique #PouvoirDAchat pic.twitter.com/5MeO7WAcAH
LCP (@LCP) 5 décembre 2018Ce nouveau recul suffira-t-il à apaiser les tensions ? Dans un vote symbolique en fin de séance, les députés ont en tout cas approuvé les annonces d'Édouard Philippe par 358 voix contre 194.
Avec AFP