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Cambodge : Le "génocide" khmer rouge reconnu pour la première fois par le tribunal international

Les deux derniers plus hauts responsables khmers rouges Nuon Chea, 92 ans, et Khieu Samphan, 87 ans, ont été condamnés vendredi au Cambodge par le tribunal parrainé par l'ONU à la prison à vie pour "génocide". Un verdict historique.

Les deux plus hauts dirigeants khmers rouges encore en vie ont été condamnés, vendredi 16 novembre au Cambodge, par le tribunal parrainé par l'ONU à la prison à vie pour "génocide". C'est la première fois que ce qualificatif est retenu par le tribunal international parrainé par l'ONU, 40 ans après la chute du régime responsable de la mort de deux millions de personnes entre 1975 et 1979.

L'idéologue du régime Nuon Chea, 92 ans, "a eu une contribution significative à la commission des crimes", "il détenait le pouvoir de décision ultime" avec Pol Pot, a relevé le juge Nil Nonn. Quant à Khieu Samphan, le chef de l'État du "Kampuchéa démocratique", aujourd'hui âgé de 87 ans, il était "le visage" du mouvement ultra-maoïste.

Caché derrière ses habituelles lunettes noires, Nuon Chea a écouté le verdict depuis une cellule spécialement aménagée, en raison de sa santé fragile, dans le tribunal. Khieu Samphan était dans la salle. Le qualificatif de "génocide" a été retenu par le tribunal international concernant les actions à l'encontre des Vietnamiens, de la communauté musulmane des Chams et d'autres minorités religieuses. La chambre a jugé que "le crime de génocide était établi", a souligné Nil Nonn. L'objectif était d'"établir une société athée et homogène [en] supprimant toutes les différences ethniques, nationales, religieuses, raciales, de classe et culturelles", a-t-il relevé.

Ce qualificatif ne concerne pas les massacres, fussent-ils de masse, des Khmers par les Khmers qui ne sont pas considérés par les Nations unies comme un génocide.

Ils "ont assassiné près de cinquante de mes proches"

Plusieurs centaines de personnes, dont des membres de la minorité musulmane cham et des moines bouddhistes, étaient également présents. "Les Khmers rouges ont assassiné près de cinquante de mes proches. Je souffre tellement", a déclaré à l'AFP Math Sos, un musulman cham de 75 ans.

Ce jugement conclut un procès qui sera probablement le dernier intenté contre d'ex-membres du régime ultra-maoïste. Bien que les exactions aient été perpétrées à très grande échelle entre 1975 et 1979, le Premier ministre Hun Sen, lui-même ancien cadre khmer rouge, a demandé à plusieurs reprises qu'aucun autre suspect ne soit renvoyé devant les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC), l'appellation officielle du tribunal. Le dirigeant au pouvoir sans partage avait insisté sur le fait que cela pourrait provoquer des troubles dans le royaume.

Ils comparaissent depuis 2011 devant cette juridiction. Mais pour tenter d'accélérer la procédure afin d'obtenir au moins un verdict avant leur mort et au vu de l'étendue des charges, les débats ont été scindés en plusieurs procès. À l'issue du premier, qui se concentrait sur "les crimes contre l'humanité", les deux hommes avaient été condamnés à la prison à perpétuité, une peine confirmée en appel en 2016.

Viols et cannibalisme

Lors de ce second procès, une centaine de témoins sont passés à la barre pour dénoncer décapitations, viols, mariages forcés et cannibalisme. Autodafés de Corans, noyades collectives : entre 100 000 et 500 000 chams, sur un total de 700 000, ont été tués entre 1975 et 1979 par le régime de Pol Pot. Les deux accusés ont nié les atrocités.

"Le Vietnam a inventé cette idée inacceptable du génocide cambodgien", a lancé lors de la dernière audience, en juin 2017, Khieu Samphan, ressassant une rhétorique classique contre le grand voisin vietnamien. Quant à Nuon Chea, "il se moque d'être condamné encore à la prison à vie [...]. Il ne prend pas cette institution au sérieux", avait déclaré son avocat, Victor Koppe.

À l'ouverture du procès, en juin 2011, quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés. Mais la ministre des Affaires sociales du régime, Ieng Thirith, considérée inapte à être jugée pour cause de démence, a été libérée en 2012. Elle est décédée depuis. Son mari Ieng Sary, ancien ministre des Affaires étrangères, est mort en 2013 à 87 ans.

Hormis Nuon Chea et Khieu Samphan, le tribunal a déjà condamné un autre Kaing Guek Eav, chef de la prison de Phnom Penh S-21 – ou Tuol Sleng –, où 15 000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées en dehors de la ville. Il a lui aussi été condamné en appel en 2012 à la prison à perpétuité.

Pol Pot, le "frère numéro un", est mort en 1998 sans avoir été jugé.

Avec AFP