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Reporters : Rohingya, l'impossible retour

Près d'un million de Rohingya ont fui les violences de l'armée birmane et survivent aujourd'hui au Bangladesh, dans le plus grand camp de réfugiés au monde. De l'autre côté des barbelés se trouvent leurs bourreaux, qui les ont toujours considérés comme des immigrés illégaux. Les Rohingya oseront-ils un jour rentrer chez eux, en Birmanie ?

"Génocide", "nettoyage ethnique"... Voilà comment les Nations unies et de nombreux pays qualifient la campagne de répression menée par l'armée birmane contre les Rohingya. En un peu plus d'un an, des centaines de milliers de civils de cette minorité musulmane ont fui le nord de l'État d'Arakan pour se réfugier au Bangladesh voisin.

Les Bangladais ont vu autour de Cox's Bazar se constituer le plus grand camp de réfugiés au monde, où près d’un million de Rohingya survivent grâce à l’aide internationale. Sur place, France   24 a rencontré ces civils traumatisés qui racontent que les soldats ont systématiquement violé les femmes et semé la terreur dans ces villages de cette minorité musulmane de Birmanie.

La prix Nobel de la paix et leader de facto du pays, Aung San Suu Kyi, n’a jamais condamné les opérations militaires et la grande majorité de la population soutient l’armée. Les Birmans considèrent pour la plupart que les Rohingya sont des immigrés illégaux venus du Bangladesh et qu'ils n'ont pas leur place dans ce pays à 90   % bouddhiste.

Depuis les opérations militaires d’août   2017, les autorités s’évertuent à empêcher observateurs et humanitaires de se rendre dans l’Arakan. Les journalistes ne peuvent s'y rendre qu'au compte-goutte, escortés par l’armée lors de visites très encadrées.

France 24 avait pu se rendre une première fois dans le nord de l’Arakan, quelques semaines seulement après le déclenchement des violences. À l’époque, nous avions pu nous écarter de la délégation pour filmer des villages rohingyas brûlés et rencontrer ces populations apeurées qui cherchaient à fuir vers le Bangladesh. Leurs témoignages glaçants étaient révélateurs de la brutalité des méthodes de l’armée.

Un an plus tard, nous avons de nouveau pu accompagner ces militaires birmans accusés de nettoyage ethnique. Notre reporter Clovis Casali les a suivis pendant trois jours, à un rythme soutenu, parcourant des routes abîmées par la mousson.

La nature avait déjà recouvert les cendres de villages musulmans détruits et le long des routes sont apparus des lotissements flambant neufs, qui détonnent dans cet État agricole. Ces maisons, construites pour les bouddhistes birmans, semblent indiquer que les autorités veulent remplacer les Rohingya.

Les policiers et les officiels, eux, refusent de reconnaître qu’ils ont mené une campagne de nettoyage ethnique. Ils soutiennent qu’ils ont uniquement visé des membres du groupe armé rebelle de l’ARSA, et que le reste n’était que dommage collatéral.

Ce reportage, tourné au Bangladesh et en Birmanie, montre que les deux versions des faits sont irréconciliables. Face aux témoignages des civils rohingyas, les autorités birmanes demeurent inflexibles. Le déni est flagrant et rend impossible tout retour des musulmans dans l’Arakan, malgré les quelques manifestations de bonne volonté des Birmans.