
Seuls un cadre légal réellement contraignant et des représentants des droits de la nature pourraient permettre de sérieusement réguler les externalités négatives des activités humaines.
"Nous sommes en train de mettre en œuvre le crash du système planète Terre…" Sur la scène du festival Climax, qui a eu lieu à Bordeaux ce mois de septembre, l’astrophysicien Aurélien Barrau a averti l’auditoire : la "dramaticité du changement climatique" est une réalité aujourd’hui si difficilement niable que même les négationnistes se font de moins en moins nombreux.
"La situation est dramatique, à différents niveaux : le dérèglement des températures, dont l’origine entropique, c’est-à-dire humaine, est actée ; l’utilisation exponentiellement croissante des ressources dans un monde de taille finie ; la pollution de l’eau, de l’air, des sols, dont les effets sur la biodiversité sont comparables voire supérieurs à ceux du réchauffement climatique et enfin, l’atrophie des espaces de vie puisque les animaux n’ont plus de lieu pour vivre, et donc, meurent…", a-t-il égrené. En précisant : "En physique, dans mon domaine, on appelle ça une instabilité. Et un système instable est un système qui va forcément crasher."
Une vision du monde encore trop anthropocentrée
Le désir insatiable de l’humanité de créer de la richesse est-il compatible avec la préservation du vivant ?
Suite à la démission de Nicolas Hulot, l’appel signé par plus de 200 personnalités dans le journal Le Monde alertait sur le "cataclysme planétaire" qui s’annonce. "Nous proposons le choix du politique – loin des lobbys – et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront. C’est une question de survie. Elle ne peut, par essence, pas être considérée comme secondaire. De très nombreux autres combats sont légitimes. Mais si celui-ci est perdu, aucun ne pourra plus être mené", pouvait-on y lire. Car la protection de l’environnement n’est pas une cause qu’il faudrait laisser aux seuls amoureux de la biodiversité, mais bien une condition sine qua non à la survie de notre espèce et à celle des autres êtres vivants de cette planète.
Aujourd’hui, des droits de la nature octroient des statuts à des fleuves, rivières, montagnes glaciers… En 2009, la Bolivie ne demandait-elle pas, avec succès, l’adoption de Droits de la Terre-Mère aux Nations unies ? Depuis, la Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère précise que "la Terre-Mère est source de vie, de subsistance" et qu’elle "nous prodigue tout ce dont nous avons besoin pour bien vivre." Et le texte de préciser qu’il convient donc "d’éviter que les activités humaines n’entraînent l’extinction d’espèces, la destruction d’écosystèmes ou la perturbation des cycles écologiques".
Un cadre juridique pour sauvegarder l’habitabilité de la Terre
"Nous n’avons qu’une Terre" prévenait déjà le sommet des Nations unies à Stockholm en 1972. En occident, la protection de l’environnement est une idée relativement récente. C’est seulement dans les années 1960 que s'est développée une éthique de l’environnement, branche de la philosophie qui concerne les rapports entre actions humaines et entités naturelles vivantes. Création des parcs nationaux en 1960, réserves naturelles et protection des espèces en 1976, directive des oiseaux en 1979 : historiquement, plusieurs dates-clés (pour ne citer qu’elles) ont vu entériner un cadre juridique favorable à la protection de la biodiversité.
Mais face à la difficile régulation des externalités négatives des activités humaines sur la planète, ce cadre juridique demande à être consolidé. En droit, un dommage peut être compensé financièrement. Encore faut-il que le sujet soit en mesure d’être défendu en justice. Surtout, pour prouver un préjudice écologique distinct, il faudrait être en mesure de pointer du doigt les exacts effets d’une activité sur un être vivant donné. Or, la dégradation écologique est multifactorielle et touche de différentes façons la biosphère entière. En attendant, chaque être vivant sur Terre se comporte selon ses propres intérêts. Une voix humaine peut-elle représenter les éléments de la Nature ? Des volontés politiques peuvent-elles établir des limites à ne pas dépasser ?
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