
La démission de Nicolas Hulot, mardi, est une énorme déconvenue pour Emmanuel Macron qui perd un symbole de la protection de l’environnement. Mais elle met surtout en lumière le décalage entre le discours et les actes du président.
La peinture du macronisme s’effrite un peu plus. En prenant la décision de quitter le gouvernement, mardi 28 août, Nicolas Hulot a mis fin à quinze mois d’affichage politique durant lesquels il a surtout servi de caution verte à Emmanuel Macron.
"Je vais prendre pour la première fois la décision la plus difficile de ma vie. Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur (des) enjeux et donc je prends la décision de quitter le gouvernement", a déclaré sur France Inter l’ex-ministre de la Transition écologique et solidaire, admettant qu’il n’avait pu obtenir que des "petits pas".
Nicolas Hulot, qui s’était donné un an pour juger de son utilité au gouvernement, a en effet passé davantage de temps à avaler des couleuvres qu’à se réjouir d’avancées importantes en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou de protection de la planète.
Il avait notamment dû endosser le report de l'objectif consistant à ramener la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % en 2025 ou l'entrée en vigueur provisoire de l'accord de libre-échange UE-Canada (Ceta). Il avait aussi boudé la clôture des États généraux de l’Alimentation, pilotés par le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, estimant que "le compte n’y [était] pas". Et pas plus tard que lundi, les arbitrages lors de la réunion à l'Élysée consacrée à la chasse furent largement en faveur des chasseurs, provoquant l’agacement du ministre d’État, notamment en raison de la "présence des lobbies dans les cercles du pouvoir".
"Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation des pesticides ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non. Est-ce que nous avons commencé à se mettre en situation d’arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", a insisté Nicolas Hulot pour justifier sa décision.
Nicolas Hulot : "Je prends la décision de quitter le gouvernement" #le79inter cc @leasalame @ndemorand pic.twitter.com/MhRq7zEktM
France Inter (@franceinter) 28 août 2018L'abandon par le gouvernement de la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes aura finalement été l’unique victoire politique majeure pour l’ancien ministre, opposant de longue date à ce projet qu'il jugeait "ruineux, inhumain et inutile". Insuffisant pour celui qui avait longtemps refusé d’entrer dans un gouvernement, mais qui avait pourtant fini par se laisser convaincre par Emmanuel Macron.
Les beaux discours ne suffisaient plus
Pour le président de la République, déjà affaibli cet été par l’affaire Benalla et des résultats économiques qui tardent à venir, le départ de Nicolas Hulot est une très mauvaise nouvelle. Il souligne en effet le décalage entre les discours et les actes d’Emmanuel Macron.
Le chef de l’État s’est érigé, depuis le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris en juin 2017, en héraut de la lutte contre le réchauffement climatique. Il a lancé un slogan, "Make Our Planet Great Again", qui a fait le tour du monde, avant d’organiser le sommet One Planet en décembre de la même année. Une posture de leader mondial sur les sujets environnementaux qu’il a d’ailleurs de nouveau endossée lors de son discours, lundi 27 août, devant les ambassadeurs français réunis à l’Élysée.
Les décisions prises par le gouvernement d’Édouard Philippe, en revanche, tendent plutôt à contredire les promesses du président. Le dossier du glyphosate est sans doute l’exemple le plus parlant.
En novembre 2017, après de longues discussions sur le sujet, l'Union européenne prolonge pour cinq ans la licence du glyphosate, herbicide controversé accusé par certains de provoquer des cancers. Immédiatement, Emmanuel Macron assure que la France reste déterminée à en sortir en trois ans, position défendue par Nicolas Hulot contre son collègue de l'Agriculture qui plaide pour cinq à sept ans.
Mais depuis, la possibilité de dérogations a été annoncée et les députés ont rejeté un amendement, publiquement soutenu par Nicolas Hulot, visant à inscrire dans la loi l'interdiction du pesticide.
"Je sais que seul je n'y arriverai pas. (...) J'ai un peu d'influence, je n'ai pas de pouvoir", a estimé Nicolas Hulot sur France Inter, la gorge nouée. "Cest une décision d'honnêteté et de responsabilité", a-t-il ajouté, visiblement las de se battre contre des moulins à vent.