Très attendu sur le dossier des abus sexuels qui entachent la réputation du clergé irlandais, le pape François est arrivé à Dublin pour la Rencontre mondiale des familles. Il doit prononcer six discours, qui seront scrutés de près.
Le pape François est arrivé en Irlande samedi 25 août, afin de clôturer la Rencontre mondiale des familles. C’est surtout sur le dossier des abus du clergé qu’il est très attendu. Depuis 2002, plus de 14 500 personnes se sont déclarées victimes d'abus sexuels commis par des prêtres en Irlande.
Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a appelé le pape François à intervenir pour faire en sorte que "justice" soit rendue aux victimes d'abus commis par des ecclésiastiques. "Les blessures sont encore ouvertes et il y a beaucoup à faire pour que les victimes et les survivants obtiennent justice, vérité et guérison. Saint-Père, je vous demande d'utiliser votre position et votre influence pour que cela se fasse ici en Irlande et dans le monde entier", a déclaré le chef de gouvernement.
Le pape François devait présider samedi le Festival des familles, au stade Croke Park de Dublin, où sont attendues plus de 80 000 personnes, et puis célèbrer dimanche la messe de clôture de l'évènement au parc Phoenix de Dublin. Un demi-million de fidèles devrait y participer. Ses six discours prévus seront scrutés de près sur le thème sensible des abus perpétrés par l'Église irlandaise et il rencontrera discrètement des victimes d'abus sexuels samedi ou dimanche.
Ce 24e voyage à l'étranger intervient à un moment particulièrement périlleux pour l'avenir même de l'Église catholique, ébranlée la semaine dernière par de sordides révélations d'abus sexuels perpétrés aux États-Unis et marquée récemment par une série inédite de démissions de prélats soupçonnés d'omerta au Chili, en Australie et aux États-Unis.
Au cours de sa visite de deux jours, le pape souhaite "rappeler la place essentielle de la famille dans la vie de la société et dans l'édification d'un avenir meilleur pour les jeunes", a-t-il expliqué dans un message vidéo diffusé avant sa venue.
"Problème culturel"
Mais le porte-parole du Vatican a d’ores et déjà prévenu les Irlandais que leurs attentes ne devaient pas être trop grandes concernant d'éventuelles annonces du pape François concernant les abus sexuels. "Je pense que la première chose que le pape va faire, c'est de reconnaître (le problème)", a déclaré Greg Burke sur la chaîne publique irlandaise RTE. "Pour ce qui est de passer à l'action, cela se produira. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain." Le porte-parole du Vatican a ensuite parlé de "problème culturel", qui existe "dans l'Église, mais pas seulement, on le voit beaucoup dans la société. C'est un problème culturel et l'Église assumera sa responsabilité, ce sont des péchés très graves", a poursuivi Greg Burke. Le porte-parole a souligné qu'il serait difficile pour le souverain pontife d'y apporter une réponse exhaustive pendant son voyage en Irlande. "Je pense qu'en restant 36 heures, ou 32 heures, sur place, il est difficile de changer une culture", a-t-il dit.
Les attentes des Irlandais sont pourtant très fortes. Marie Collins, victime des viols d’un prêtre alors qu’elle n'avait que 13 ans, avait démissionné de la commission antipédophilie chargée de conseiller le pape en raison de son inaction, l’année dernier. "Pendant que (le pape) est en Irlande, où nous avons une telle histoire d'abus, et où tant de gens ont vu leur vie détruite, il est important que cette question soit abordée frontalement, et que nous entendions des paroles claires sur ce qu'il va faire", a-t-elle déclaré à l'AFP. Dans le cas contraire, "il y aura davantage de personnes qui abandonneront tout espoir, et s'éloigneront (de l'Église)", a-t-elle mis en garde.
Cette semaine, Marie Collins a accueilli favorablement une lettre du pape François condamnant les "atrocités" commises en Pennsylvanie sur plus de 1 000 enfants par des centaines de prêtres pendant des décennies, révélées récemment. "La lettre du pape mentionne pour la première fois l'abus sexuel comme un crime, une atrocité, et fait référence aux pratiques de dissimulation", souligne-t-elle. "Mais elle ne donne aucune indication concrète sur ce que le pape souhaite réellement faire pour que les responsables rendent des comptes", a-t-elle regretté. Cette "réticence à bien examiner les choses (...) trahit une peur (de voir) toute l'étendue du problème".
Avec AFP