Le candidat de l'opposition, Soumaïla Cissé, a rejeté lundi à l'avance les résultats du second tour de l'élection présidentielle au Mali, appelant le pays à se lever face à "la dictature de la fraude".
Les résultats du duel entre le chef d'État sortant et favori à l'élection présidentielle malienne, Ibrahim Boubacar Keïta ("IBK"), et l'opposant Soumaïla Cissé, doivent être proclamés en milieu de semaine par la Cour constitutionnelle. Mais "d'ores et déjà, nous [les] rejetons", a lancé lundi 13 août 2018 à ses partisans le leader de l'opposition du balcon de son siège de campagne.
La mission d'observation de l'Union européenne doit présenter son rapport préliminaire sur le déroulement du scrutin du second tour mardi. Ibrahim Boubacar Keïta devrait ensuite s'exprimer depuis son siège de campagne.
Le vainqueur entrera en fonction début septembre avec pour mission principale de relancer l'accord de paix conclu en 2015 avec l'ex-rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards, le Mali étant toujours confronté à la menace jihadiste malgré cinq années d'interventions militaires internationales.
"J'en appelle à tous les Maliens à se lever"
Au début du mois de juin dernier, Soumaïla Cissé avait estimé qu'il faudrait "absolument éviter une crise électorale". Mais alors qu'en 2013 il avait reconnu sa défaite, déjà face à "IBK", avant même l'annonce des résultats, il n'a cessé cette fois d'accuser le camp du président sortant de profiter de l'insécurité dans le centre et le Nord pour truquer le scrutin.
"J'en appelle à tous les Maliens à se lever (...). Nous n'accepterons pas la dictature de la fraude", a dit à ses militants Soumaïla Cissé, accusant le pouvoir d'avoir "attaqué" et mis hors d'usage le système de comptabilisation électorale de l'opposition dans la nuit de dimanche à lundi, alors qu'il était crédité selon lui de 51,93 % des suffrages contre 47,53 % pour le président sortant. "La responsabilité de ce qui va arriver dans le pays est dans le camp du président de la république", a-t-il averti par ailleurs.
Soumaïla Cissé a aussi déploré la brève arrestation dimanche de six membres de son équipe de communication par les services de renseignement maliens qui ont saisi leurs ordinateurs et téléphones. "Ca n'a rien à voir avec le candidat Cissé, absolument rien à voir. L'élection se fait, mais le travail de sécurité se fait aussi", a fait valoir le ministre de la Sécurité publique, le général Salif Traoré. Une enquête a été "ouverte".
Des procès-verbaux électoraux préremplis
Le second tour de l'élection présidentielle s'est déroulé dans un climat plus apaisé que le premier, selon le général Traoré, qui indique que seuls 490 bureaux de vote sur 23 000 (soit 2,1 % du total) – n'ont pu ouvrir, soit moitié moins que le 29 juillet. La grande majorité des bureaux restés fermés étaient, comme au premier tour, situés dans la région de Mopti (centre), en proie à des violences ethniques attisées par des groupes jihadistes.
Le scrutin, déterminant pour l'avenir du Sahel, s'est déroulé dans la relative indifférence de la population entre météo pluvieuse, risques de violences et manque de suspense.
Selon l'opposition malienne, des bulletins de vote "circulaient" ces derniers jours, preuve que des bourrages d'urnes étaient en préparation. Des journalistes de l'AFP ont constaté pour leur part que dans au moins six bureaux de vote de Bamako, les procès-verbaux électoraux avaient été préremplis et signés avant même la fin du vote. "IBK" a répliqué aux accusations en dénonçant des "manoeuvres" de l'opposition.
Notant que les deux camps se sont accusés de "fraude ou de tentatives de fraude", la mission d'observation de l'Union africaine a indiqué lundi, "à ce stade", ne détenir "aucun élément tangible" démontrant de quelconques irrégularités.
Avec AFP