L'ex-champion de cricket Imran Khan a revendiqué jeudi la victoire de son parti aux élections législatives, alors que la Commission électorale pakistanaise n'a pas communiqué les résultats officiels du scrutin marqué par des accusations de fraude.
"Nous avons réussi. On nous a donné un mandat", a déclaré Imran Khan lors d'une intervention télévisée en direct jeudi 26 juillet depuis son quartier général de Bani Gala, à quelques kilomètres d'Islamabad. "Après trois tentatives infructueuses, Imran Khan l'a fait, c'est en tous cas ce qu'il vient de revendiquer lors d'une allocution télévisée d'une demi-heure", a indiqué la correspondante de France 24 au Pakistan, Solène Fioriti, "même si le décompte des voix n'est pas terminé". Près de vingt-quatre heures après la fermeture des bureaux de vote au Pakistan, les résultats officiels des élections législatives tardent à venir.
Pour l'heure, sa formation Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) apparaît clairement en tête. Le mouvement de l'ancien champion de cricket, devenu chantre de la lutte anti-corruption, est crédité de 119 des 272 sièges au Parlement après dépouillement de 48% des bulletins, selon les derniers résultats partiels publiés en début de journée par la commission électorale. Une majorité de 137 sièges est nécessaire à la formation d'un gouvernement.
Combattre la corruption et relancer l'économie
La Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif obtiendrait 64 sièges, tandis que le Parti du peuple pakistanais (PPP) en aurait 42.
Tout au long de son discours, "l'ancien champion de cricket a énuméré les promesses qu'il tiendra pendant son mandat", a précise Solène Fioriti, et notamment "réduire le train de vie de ses futurs ministres". "Son allocution a aussi été marquée par sa volonté de combattre la corruption et relancer l'économie", a-t-elle précisé. Imran Khan, qui a promis l'avènement d'un "nouveau Pakistan", est soupçonné depuis des mois d'avoir bénéficié de l'appui en sous-main de la puissante armée dans sa quête du pouvoir.
"Irrégularités manifestes"
Le dépouillement des bulletins a pris énormément de retard en raison de "problèmes techniques" liés à l'utilisation d'un nouveau logiciel électoral, a justifié la Commission. "Ces élections ne sont pas entachées. (...) Elles sont à 100 % justes et transparentes", s'est défendu le directeur de l'ECP, Sardar Muhammad Raza.
Ces problèmes ont alimenté de nombreuses accusations de fraude de la part des autres partis en lice, notamment le PML-N, qui a fait savoir dès mercredi soir qu'il "rejetait intégralement les résultats (...) du fait d'irrégularités manifestes et massives". "Les résultats ont été comptés en l'absence de nos agents électoraux", a-t-il fait valoir.
Son dirigeant Shahbaz Sharif, frère de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, actuellement emprisonné pour corruption, a dénoncé "des fraudes si flagrantes que tout le monde s'est mis à pleurer". Il a ensuite averti sur Twitter que les "résultats basés sur un truquage massif causeront des dommages irréparables au pays".
Le chef du PPP (Parti du peuple pakistanais, au pouvoir de 2008 à 2013) Bilawal Bhutto-Zardari, a abondé dans son sens en qualifiant d'"inexcusable et scandaleux" le dénouement de l'élection. D'autres partis politiques ont également fait état de fraudes.
Une des campagnes les plus sales de l'histoire
La controverse fait suite à une campagne déjà considérée par certains observateurs comme l'une des plus "sales" de l'histoire du pays en raison de nombreuses manipulations présumées, et marquée par une visibilité accrue des partis religieux extrémistes.
Concernant les accusations de fraude, Imran Khan se dit prêt à collaborer à toutes les enquêtes, a commenté la correspondante de France 24 au Pakistan. Il a même qualifié ces élections des plus transparentes de l'histoire du pays".
Pour les analystes, cette série d'événements risque d'ouvrir la voie à une nouvelle période d'instabilité pour le pays. Les élections de mercredi, placées sous très haute sécurité, constituaient un cas rare de transition démocratique d'un gouvernement civil à un autre dans ce jeune pays au passé ponctué de coups d'État militaires. Le Pakistan, puissance nucléaire, a été dirigé par son armée pendant près de la moitié de ses 71 ans d'existence.
Avec Reuters et AFP