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Nicaragua : nouvelles violences meurtrières malgré la reprise du dialogue

De nouvelles violences ont fait huit morts, samedi, au Nicaragua, quelques heures après la conclusion d'une trêve entre le président Daniel Ortega et les manifestants qui réclament son départ.

La reprise du dialogue entre le gouvernement et l'opposition au Nicaragua prend du plomb dans l’aile. Samedi 16 juin, huit personnes ont été tuées à Managua, portant à au moins 178 morts le bilan du mouvement de contestation antigouvernemental qui secoue le pays depuis deux mois.

Les deux parties ont suspendu leurs discussions samedi soir, en annonçant qu'elles les reprendraient lundi. Elles devraient alors examiner une proposition formulée par l'Église catholique – qui joue dans cette crise le rôle de médiateur – prévoyant d'organiser des élections générales anticipées en mars 2019, soit deux ans avant l'échéance prévue. Les évêques proposent également une réforme constitutionnelle qui entrerait en vigueur dès cette année et qui empêcherait le chef de l'État de briguer un nouveau mandat.

L'opposition exige depuis deux mois le départ du président Daniel Ortega, 72 ans, "héros" de la révolution sandiniste qui a dirigé le pays de 1979 à 1990 après avoir évincé le dictateur Anastasio Somoza, et qui est revenu au pouvoir depuis 2007.

"Crime contre l'humanité"

Le chef de l'État s'est dit prêt à travailler à une démocratisation du pays, mais n'a pas dit s'il consentirait à écourter son mandat, valable théoriquement jusqu'en janvier 2022. "Nous réitérons notre volonté totale d'écouter toutes les propositions entrant dans un cadre institutionnel et constitutionnel", a-t-il seulement commenté.

Six des nouvelles victimes tuées samedi sont des membres d'une même famille dont le domicile a été incendié par un groupe d'hommes encagoulés qui ont lancé un cocktail Molotov. Une femme et un enfant ont survécu au sinistre mais ont été grièvement blessés en se jetant dans le vide depuis un balcon.

Le secrétaire général de l'Organisation des États américains (OEA), Luis Almagro, a dénoncé sur Twitter un "crime contre l'humanité qui ne peut rester impuni". Ce drame a été condamné aussi bien par l'opposition que par le gouvernement, qui s'en sont rejeté mutuellement la responsabilité au moment où leurs représentants renouaient les fils d'un fragile dialogue.

Condenamos este acto de terror q es un crimen de lesa humanidad y q no puede quedar impune https://t.co/TVgMJgs6An

  Luis Almagro (@Almagro_OEA2015) 16 juin 2018

Couvre-feu virtuel

Ces nouveaux incidents violents surviennent alors que le gouvernement et l'opposition avaient conclu vendredi un accord autorisant des observateurs des droits de l'Homme à venir enquêter sur les violences.

Les représentants de l'opposition avaient de leur côté accepté une demande clef du pouvoir du président Ortega : un plan visant à lever les blocages qui entravent les routes pour empêcher les forces anti-émeutes de passer, selon la conférence épiscopale, médiateur dans le conflit.

Le Nicaragua, pays le plus pauvre d'Amérique centrale, a basculé dans le chaos après la répression le 18 avril des manifestations contre l'insécurité sociale. Sur plus des deux tiers des routes du pays, des opposants ont dressé des barricades, parfois faites de pavés ou de troncs d'arbre, afin d'empêcher le passage des forces anti-émeutes et autres groupes paramilitaires. Ces barrages routiers perturbent la livraison de marchandises, minent le commerce régional, et ont contraint à un arrêt forcé des centaines de camions en transit à travers le pays.

Certaines villes comme Masaya, près de la capitale, ont fermé tous leurs accès, espérant ainsi se prémunir des meurtres, saccages et incendies de magasins. Une sorte de couvre-feu virtuel s'est parfois mis en place, de nombreux habitants préférant s'enfermer chez eux dès le début de soirée, pour se mettre à l'abri.

Si la crise se prolonge, l'ardoise pour le pays pourrait dépasser les 900 millions de dollars, selon la Fondation nicaraguayenne pour le développement social et économique (Funides), qui calcule que le Nicaragua pourrait perdre jusqu'à 150 000 emplois d'ici la fin de l'année.

Avec AFP