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Laurent Wauquiez et des militants LR distribueront ce week-end un tract qui suscite la polémique, y compris au sein du parti Les Républicains. Une démarche qui illustre une fois de plus la dérive du président de LR vers l’extrême droite.

C’est un pas de plus vers l’extrême droite qui suscite l'émoi. En décidant de distribuer des tracts intitulés "Pour que la France reste la France", lors de l’opération "Le printemps des Républicains", organisée samedi 9 et dimanche 10 juin dans toutes les fédérations du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez crée à nouveau la polémique.

Le tract, qui sera distribué à un million et demi d’exemplaires, reprend les codes et le vocabulaire du Rassemblement national (ex-Front national). Une photo de nombreux drapeaux français brandis lors d’un meeting figure au recto avec l’inscription "Pour que la France reste la France", tandis que le verso dresse un constat alarmant de "la réalité de notre pays". "Il n'y a jamais eu autant d'impôts", "jamais eu autant d'immigrés", ni "un tel risque terroriste", "une telle pression communautariste", "une telle flambée de délinquance" ou encore "de telles fractures territoriales", peut-on ainsi lire sur ce tract LR.

C'est pour que la France reste la France que nous sommes mobilisés à #Mayotte contre l'insécurité, contre la pression migratoire et pour la justice économique.
Nous serons aux-cotés des élus @lesRepublicains avec notre président @laurentwauquiez au #PrintempsdesRépublicains pic.twitter.com/R1mx774t1V

  Mansour KAMARDINE - Officiel (@Kamardine_M) 8 juin 2018

Si l’entourage de Laurent Wauquiez et de nombreux cadres LR soutiennent l’initiative du patron des Républicains, plusieurs voix se sont élevées pour critiquer l’opération. Virginie Calmels, première vice-présidente du parti et première adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux, a ainsi regretté sur France Inter puis sur Twitter un tract "peut-être inutilement anxiogène" et qui "ne parle pas assez d’économie, alors que la lutte contre le chômage doit être une de nos priorités". Elle a également affirmé ne pas être pour une droite "populiste et extrémiste". "En ce sens, je me battrai toujours pour éviter toute porosité avec le Front national", a-t-elle ajouté.

Oui, je suis pour une forme de droite décomplexée mais pas pour une droite populiste et extrémiste. En ce sens, je me battrai toujours pour éviter toute porosité avec le Front National !

  Virginie Calmels (@VirginieCalmels) 7 juin 2018

Je ne suis pas certaine que ce type de tract, peut-être inutilement anxiogène, puisse encore avoir un impact sur nos électeurs. Selon moi, ce tract ne parle pas assez d’économie alors que la lutte contre le chômage doit être une de nos priorités.

  Virginie Calmels (@VirginieCalmels) 7 juin 2018

Le député de l’Essonne Robin Reda, proche de Valérie Pécresse, a lui aussi fait part de ses réserves. "Qu’on prenne les slogans du FN, je comprends la stratégie mais je ne distribuerai pas ce tract, il ne témoigne pas d’un travail de fond des Républicains pour essayer de reconquérir l’opinion", a-t-il déclaré, le 6 juin, sur Europe 1.

D’autres, à l’image de l’ancienne candidate à la présidence du parti, Florence Portelli, ont été plus virulents dans leur critique. "Le titre est un peu idiot honnêtement", a-t-elle commenté, le 6 juin sur Sud Radio, pointant "toutes les arrières pensées qu'il y a dans ce slogan". "On est dans le pléonasme et puis dans la surenchère frontiste", a-t-elle ajouté, affirmant que "beaucoup de militants ont été choqués".

Des propositions chocs sur l’immigration et le terrorisme

Ce n’est pas la première fois que Laurent Wauquiez est accusé de courir après les soutiens de l’extrême droite. Le président de LR multiplie les déclarations et propositions chocs depuis qu’il a pris la tête du parti. En plein débat à l’Assemblée nationale sur la loi asile et immigration, il avait ainsi organisé, le 18 avril, une convention intitulée "Comment réduire l’immigration". Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes avait alors affirmé que son but était de "sortir la France de l’immigration de masse". "Il faut refuser de se laisser mettre dans les cordes et refuser le modèle d’ouverture que l’on nous propose depuis quarante ans. Si l’ouverture, c’est renoncer à son identité, on n’est pas d’accord. Si l’ouverture, c’est changer de nature, on n’est pas d’accord", avait-il ajouté, proposant pêle-mêle d’interdire à vie toute régularisation d’un étranger entré illégalement en France, de remettre en cause le droit du sol ou d’expulser les 300 000 clandestins présents sur le territoire.

Le constat est identique sur un autre thème cher à Marine Le Pen : la lutte contre le terrorisme. Après les attentats de Carcassonne et Trèbes, en mars, Laurent Wauquiez a rapidement accusé Emmanuel Macron de "coupable naïveté" et formulé des propositions qui ont mis mal à l’aise une partie des cadres des Républicains. Le patron de LR réclamait notamment le rétablissement de l’état d’urgence – dont les principales dispositions sont pourtant passées dans le droit commun –, l’expulsion des fichés S étrangers, la déchéance de nationalité pour les fichés S binationaux, la rétention administrative préventive pour les fichés S français les plus dangereux et l’interdiction du salafisme avec la création d’un délit d’incitation à la haine de la République.

"Laurent Wauquiez est asphyxié par la politique menée par Emmanuel Macron qui occupe le terrain à droite et espère donc siphonner l’électorat de Marine Le Pen en adoptant un discours similaire, analyse le politologue Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof, contacté par France 24. Mais on constate que le ton se durcit par rapport à ce que faisait déjà Nicolas Sarkozy avec aussi, désormais, des propos ambigus sur l’Europe."

Là où l’ancien président de la République se voulait résolument pro-européen, le patron de LR tient en effet un discours proche de celui tenu par les souverainistes. Dans une tribune publiée le 5 juin dans Le Figaro, Laurent Wauquiez, le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale Christian Jacob et l’eurodéputé Frank Proust dénoncent une Union européenne "laboratoire d’une mondialisation déracinée et apatride" à laquelle ils opposent une Europe "fière" de ses "racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes".

De quoi permettre aux Républicains d’obtenir un bon score aux élections européennes prévues en 2019 ? "Pas sûr", répond Pascal Perrineau, qui estime que Laurent Wauquiez "n’a pas réussi à inverser le rapport de force avec Marine Le Pen jusqu’à présent". À un an du scrutin européen, un sondage Harris Interactive pour LCP-Assemblée nationale, publié le 28 mai, donne 13 % d’intentions de vote pour Les Républicains contre 15 % pour le Rassemblement national.