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La menace des Taliban plane sur la présidentielle

, correspondante à Kaboul – L'élection présidentielle doit se tenir le 20 août en Afghanistan et déjà l'actuel président Hamid Karzaï apparaît comme le probable vainqueur. Mais sur le terrain, les violences ont atteint leur plus haut niveau depuis la chute des Taliban.

Village de Tchil Dokhtaran, au sud de la province de Kaboul. Une dizaine d’hommes accroupis dans un champ, les mains abîmées, desséchées, ramassent des pommes de terre. "On bosse ici, on est fermier", explique rapidement Tarik. Et d'ajouter: "On travaille 9 heures. De 7 heures du matin au soir." Tarik, comme les autres, est employé à la journée. Il gagne l’équivalent de deux euros pour ramasser la récolte. Mais avec le manque d’eau dans la région, il ne trouve que quelques jours de travail par mois.

Shérin, le propriétaire du terrain, se fait l’écho du ressentiment de ces hommes : "Vous voyez, j’ai un hectare et demi, mais on n’a pu récolter que très peu de pommes de terres. Personne ne nous a aidés." Quand on aborde la question de l'élection présidentielle, sa réponse est pour le moins déconcertante : "Je ne sais pas à qui je vais donner mon vote, Dieu décidera, explique-t-il dans un grand rire avant de reprendre son sérieux. Si de bonnes choses avaient été faites, on irait tous voter."

Bureaux de vote fermés pour cause d'insécurité


Les habitants du district de Tchar Asiab sont déçus par l’inefficacité du gouvernement de Hamid Karzaï et ils ont, paradoxalement, le sentiment que mettre un bulletin dans l’urne ne changera pas leur quotidien. Beaucoup de gens ne veulent pas voter. Par peur, mais aussi parce qu’ils pensent que quel que soit le candidat pour lequel ils votent, cette personne ne va ni les aider ni les servir, comme l'explique Abdul Karim, pompiste, avec un soupçon de colère dans la voix.
"Ici, 65 % des gens sont pour le gouvernement et 35% sont passés dans l’opposition parce qu’ils ont eu affaire à la corruption. Par exemple, on a volé des terres aux habitants et personne n’a réglé leurs problèmes."


L’abstention est un défi majeur pour ces élections, en particulier dans les zones de combats. Ainsi, au nord de Kaboul, dans la province de Kapisa, les soldats français sont constamment sous le feu des insurgés, dans ce qui est le district le plus dur. Un quart des bureaux de vote risquent de rester fermés à cause de l’insécurité croissante.

A Kaboul, face au probable manque de représentativité des élections, certains Afghans appellent au boycott de la présidentielle. Ahmad Shah Ahmadzaï, figure de la scène politique afghane, est l’un d’eux. Il était Premier ministre au début des années 1990, avant l’arrivée des Taliban au pouvoir. "Pendant les combats, qui voudra perdre sa vie pour aller aux bureaux de vote ? Personne ne viendra ! Je ne suis pas contre les élections, c’est bien d’en avoir, si et seulement si elles sont pour tous les Afghans. Là, on annoncera que cette élection est crédible."

"Ici, la démocratie est seulement sur le papier"


Le mot est lâché : aux yeux des Afghans, le processus électoral manque de crédibilité. Et la question des fraudes est une des explications. Dans la capitale, il n’est pas difficile de trouver des témoignages d’irrégularités concernant l’inscription sur les listes électorales. Seule condition pour témoigner : l’anonymat.

"De ce côté, on a le symbole de la Commission et, de l’autre, on voit le tampon et ma signature," montre un jeune homme en étalant sept cartes d’électeurs sur le sol. Elles sont toutes identiques, toutes à son nom. Il avoue que cette pratique est généralisée et explique pourquoi : "La rumeur court que les candidats vont nous donner de l’argent si nous votons pour eux. Plus nous avons de cartes, plus on peut gagner de l’argent. C’est pour ça que j’en ai pris autant. Ici, la démocratie est seulement sur le papier."

La communauté internationale affirme tout faire pour limiter les fraudes, mais la crédibilité du processus électoral est d’abord une question de perception. Si les Afghans estiment que le scrutin n’est ni transparent ni représentatif, ils risquent d’en rejeter le résultat; et certains pourraient, même, prendre les armes.