Associé à la corruption de la classe politique irakienne, le Premier ministre, Haïdar al-Abadi, n'est pas parvenu à se hisser en tête des législatives. Il est annoncé perdant selon des résultats quasi-définitifs publiés lundi.
Les Irakiens ont créé la surprise. Ils ont placés en tête des législatives, selon des résultats quasi-définitifs lundi 14 mai, deux listes anti-système, loin devant le Premier ministre Haïdar al-Abadi, malgré sa récente victoire armée face aux jihadistes de l’organisation État islamique (EI). Grand perdant de ce scrutin, il a déçu les Irakiens en ne parvenant pas à concrétiser ses promesses d'éradiquer le fléau de la corruption en Irak.
La commission électorale a indiqué dans la soirée, après avoir dépouillé 91% des bulletins (16 provinces irakiennes sur 18), que la liste du chef nationaliste chiite et anti-iranien, Moqtada Sadr, était arrivée en tête. Reconnaissant sa défaite en fin d'après-midi, avant même l'annonce de ces résultats, Haïdar al-Abadi a, dans une allocution télévisée, salué "les listes gagnantes". Il a également appelé à "respecter les résultats", alors que dans la province multi-ethnique de Kirkouk, un recomptage des voix a été demandé.
Dans le 12e pays le plus corrompu au monde, le clientélisme et les détournements de milliards de dollars par l'élite politique était la priorité numéro un des électeurs. Or, c'est sous le mandat d’Haïdar al-Abadi qu'une loi calamiteuse d'amnistie a permis aux coupables de corruption d'échapper à la prison en remboursant uniquement la somme détournée, mais pas les intérêts engrangés.
S'il est apprécié par la communauté internationale ainsi que pour ses gestes envers la population sunnite qui s'estime marginalisée, Haïdar al-Abadi est aussi surnommé avec ironie par la rue "Monsieur, je vais, je vais", en référence à ses engagements non tenus.
Symbole de la corruption de la classe politique
Accueilli en héros à Mossoul, dont il annonçait l'été dernier la "libération" du joug des jihadistes de l’EI, Haïdar al-Abadi, qui est aussi le commandant en chef des armées, n'a pas su en tirer bénéfice et convaincre sur le terrain politique. Les grands projets qu'il a égrainés au fil de ses discours sont restés lettre morte.
Ce politicien chauve, râblé et souffrant d'embonpoint qui promettait de vaincre la corruption "comme le terrorisme a été vaincu" ne peut s'enorgueillir d'aucune réalisation dans ce domaine face à une population excédée par le montant des sommes détournées et l'impunité dont bénéficient tant les corrompus que les corrupteurs.
D’après le politologue Hicham al-Hachémi, le Premier ministre a pêché en n’incarnant pas le renouveau de la classe politique attendu par les électeurs irakiens. "La liste d'Abadi présentait des personnalités au pouvoir depuis 15 ans et accusées de n'avoir pas fait assez", rappelle-t-il.
Force est de constater que les électeurs ont tranché. Ils ont préféré voter pour une alliance inédite entre Moqtada Sadr, et les communistes réunis sous une même liste, celle de "la Marche pour les réformes".
La "maladresse" notoire d’Abadi
Sur le plan économique, dans un pays où le chômage touche un habitant sur cinq et où l'accès aux services publics est une préoccupation quotidienne, son bilan a également déçu, affirme le commentateur politique Mahmoud al-Daoud. "Son obstination à réduire les salaires des fonctionnaires malgré l'augmentation du prix du pétrole et à privatiser la distribution de l'électricité ont également joué", assure-t-il.
En outre, sa personnalité a aussi joué contre lui, ajoute Mahmoud Daoud. "Il trébuche parfois sur des mots dans ses discours et parfois [aussi] en marchant lors de ses déplacements".
Enfin, Haïdar al-Abadi a souffert d'avoir en embuscade sur sa route un rival qui n'a pas manqué de souligner ses faux pas. "Le lobbying de Nouri al-Maliki [(l'ex-Premier ministre dont il a pris la place) a tout fait pour le faire échouer", conclut-il.
Le jeu complexe des coalitions gouvernementales pourrait toutefois lui permettre de conserver son poste, s'il trouve un allié prêt à soutenir sa candidature.
Avec AFP