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Grande purge à la tête de Nike, après une enquête interne pour harcèlement moral et sexuel

Dans le sillage du mouvement #MeToo, la direction de Nike a libéré la parole dans l'entreprise et recueilli le témoignage de 43 000 salariés. Au moins onze hauts dirigeants ont quitté Nike depuis le mois de mars 2018.

L'équipe dirigeante de la société Nike est décimée depuis un peu plus d'un mois à la suite des témoignages d'employés, en majorité des femmes, qui dénoncent un climat toxique, fait de discriminations et de harcèlement moral et sexuel.

Au moins onze hauts dirigeants ont quitté Nike depuis mars, dont Trevor Edwards, un Afro-Américain, président de la marque Nike et considéré comme le successeur de Mark Parker, le PDG actuel. En interne, Trevor Edwards, qui a passé plus de vingt-cinq ans chez Nike, était réputé pour humilier ses subordonnés lors de réunions publiques. Parmi les dirigeants sur le départ; se trouve une femme, Helen Kim, qui était vice-présidente des activités pour le nord-est en Amérique du Nord.

"C'est la preuve que le problème général relève du harcèlement moral ou de comportements abusifs sur le lieu du travail, et qu'il fait fi du sexe et de la couleur de peau. C'est juste de la cruauté", avance le Dr Gary Namie, qui a créé un institut spécialisé sur le mal-être au travail, Workplace Bullying Institute.

Les départs sont, d'après une source proche du dossier, la conséquence des premières conclusions d'une enquête interne, lancée en mars, après la libération de la parole d'employés dans le sillage du mouvement #MeToo né du scandale Harvey Weinstein. Nike dispose d'un règlement anti-harcèlement.

43 000 réponses

Tout est parti du ras-le-bol d'un groupe de salariées, qui a fait circuler un sondage interne révélant des abus et des inégalités hommes-femmes en matière de promotion. Cette enquête, qui rassemblait les témoignages d'employés femmes et hommes, dénonçait de façon générale la culture "macho" de l'entreprise, une sorte de "boys club", et l'inertie du département des ressources humaines.

Certains font état de sorties de bureau entre collègues se terminant dans des clubs de strip-tease, de managers hommes se vantant d'avoir des préservatifs dans leur sac, des commentaires sur les seins d'une salariée, écrits dans un courriel adressé à l'intéressée, une récurrence de remarques désobligeantes et humiliantes.

Une employée a confié au New York Times que son supérieur hiérarchique l'avait traitée de "salope stupide", mais n'avait pas été sanctionné malgré le fait qu'elle avait rapporté l'incident à la DRH.

La direction a reçu plus de 43 000 réponses à son enquête et a commencé à procéder à des changements. Elle a promu récemment deux femmes à de hautes fonctions, Amy Montagne et surtout Kellie Leonard, élevée responsable de la diversité et de l'intégration.

Interrogé par l'AFP, Nike n'a pas souhaité s'exprimer.

Pas d'impact financier

L'impact financier est infime pour l'instant : l'action n'a pas été affectée en Bourse, les initiatives de boycott lancées sur les réseaux sociaux n'ont pas pris.

"Il est possible qu'on puisse observer un impact sur les ventes à court terme", estime cependant Victor Ahluwalia, expert chez CFRA Research, d'autant que la vague de départs coïncide avec l'offensive de Nike auprès des femmes via le concept "Nike Unlaced".

Aucun des prestigieux ambassadeurs de Nike – les joueuses de tennis Serena Williams et Maria Sharapova, le basketteur LeBron James, le footballeur Cristiano Ronaldo – ne s'est encore exprimé sur le sujet.

Cette affaire est un cinglant revers pour la marque Nike, qui s'est forgée une image "cool" et progressiste, défenseuse des valeurs d'égalité et de justice, et dont le célèbre slogan "Just do It" est censé inciter des millions de jeunes à travers le monde à poursuivre leurs rêves.

Avec AFP