L'ex-ministre Jean-Louis Borloo a remis jeudi au Premier ministre Édouard Philippe son rapport sur la situation des banlieues. Ses propositions nourrissent les espoirs des associations qui ont pâti de la suppression des emplois aidés.
Le constat est sans appel. “Près de six millions d’habitants vivent dans un forme de relégation” voire parfois "d’amnésie de la Nation’’. "L’effort public est en berne” et les maires dans les banlieues “craquent parfois". Jean-Louis Borloo, dans son rapport sur les quartiers populaires rendu, jeudi 19 avril, au Premier ministre Édouard Philippe, dresse un bilan peu reluisant de l’action publique dans les quartiers populaires.
Dans ce rapport de 60 pages très attendu par les associations et les communes, l’ancien ministre de la Ville de Jacques Chirac, père de la rénovation urbaine, prévient du risque de "repli identitaire et communautaire” dans les quartiers, voire d’ “apartheid” en matière de mixité. Un diagnostic que confirme Yazid Kherfi, fondateur et directeur de l’association La médiation nomade, dont le concept un peu singulier est de sillonner, le soir, les banlieues de France à bord d’un camping-car “pour aider à créer du lien social”. “Les villes sont souvent dépassées par les tensions en banlieues. Les populations se mélangent de moins en moins. Il faut créer des espaces de parole pour se rapprocher les uns les autres”, explique Yazid Kherfi, qui fait en ce moment une halte à Saint-Denis.
Bien que le plan Borloo nourrisse les espoirs des associations, ces dernières contestent le gel, mi-octobre, des emplois aidés. “Les associations font un travail énorme dans les banlieues. Mais sans les emplois aidés, beaucoup ferment ou sont en difficultés. Il faut que le plan Borloo intègre ces emplois”, insiste Yazid Kherfi pour qui une autre urgence se trouve dans l’amélioration des rapports entre les jeunes et la police : “Le premier pas doit venir l’État. Il faut que la police se remette en cause, cesse avec les préjugés sur les jeunes de banlieues et s’efforce de réduire les violences.”
“Mobilisation générale”
Le rapport Borloo appelle à une “réconciliation nationale’’ et une "mobilisation générale’’ en faveur des quartiers populaires. Il préconise la création d’un fonds de plus de 5 milliards d’euros qui sera financé par “la cession des participations de l’État en 2018”. Mais il faut que “les associations et les gens soient vraiment impliqués”, estime François Taconet, président d'Habitats Solidaires, une coopérative qui a pour objectif de faciliter l’accès au logement dans les quartiers dégradés. “Le problème, c’est qu’on a l’impression que tout vient de l’État. Les associations et les gens ne sont pas suffisamment associés. Il y a eu 48 milliards dépensés en 10 ans pour le plan de rénovation urbain. Cela a eu un certain impact positif. Mais tout s’est passé entre l’État et les collectivités territoriales”, dénonce François Taconet qui salue tout de même cette volonté politique de venir au chevet des banlieues.
Cela fait bien longtemps que les maires, "fatigués" par l'absence de volonté politique de l'État, étaient à bout de souffle. Stéphane Gatignon, maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) et défenseur des quartiers pauvres, avait dû démissionner en mars, désemparé comme bon nombre de ses homologues après les coupes budgétaires. Mi-octobre, lors de la première édition des états généraux de la politique de la ville, ils se sont rassemblés pour exprimer leur colère.
Dix-neuf propositions
Presque 15 ans après les émeutes de Clichy sous bois en 2005, rien n’a changé, a lui-même reconnu Jean-Louis Borloo dans le journal Le Monde. “Le statu quo n’est plus tenable : il faut inventer une action publique massive qui s’attaque à tous les problèmes en même temps. Redresser des quartiers dégradés, cela peut prendre dix, quinze, vingt ans. Mais il faut au moins que les gens qui y vivent sentent que jour après jour, leur situation s’améliore”, a affirmé dans Libération Olivier Klein, président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Le plan Borloo propose 19 programmes, allant de la "relance immédiate de la rénovation urbaine" à la réorganisation de l'école en passant par la création d'une "académie des leaders" inspirée de l'ENA. L’ancien ministre de la Ville sous Jacques Chirac appelle aussi à investir dans la petite enfance, lutter contre l'illettrisme et créer 200 campus numériques. “Il y a en effet un gros effort à faire pour que l’éducation soit ouverte et adaptée aux différents types de population à cause des différences de niveau”, explique François Taconet, de Habitats Solidaires. Emmanuel Macron annoncera dans le courant du mois de mai son plan définitif de mobilisation en faveur des quartiers populaires en tenant compte des propositions du rapport Borloo.