
Soupçonné de corruption en Guinée et au Togo, Vincent Bolloré a été placé en garde à vue, mardi matin, révèle le journal Le Monde. Le groupe Bolloré "dément formellement" des irrégularités.
L'homme d'affaires Vincent Bolloré a été placé en garde à vue mardi 24 avril pour des soupçons de corruption autour de l'attribution de concessions portuaires en Afrique de l'Ouest, révèle Le Monde.
Le milliardaire breton, également premier actionnaire de Vivendi, est entendu dans les locaux de la police judiciaire à Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, "dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour 'corruption d’agents publics étrangers' et portant sur les conditions d’obtention en 2010 de deux des 16 terminaux à conteneurs opérés par le groupe Bolloré sur le continent africain, l’un à Lomé, au Togo, l’autre à Conakry, en Guinée", précise le journal.
Confiée aux juges financiers Serge Tournaire et Aude Buresi, cette information judiciaire a pris la suite d'une enquête préliminaire ouverte en juillet 2012 par le parquet de Paris, puis transférée au parquet national financier.
"Les magistrats soupçonnent les dirigeants du groupe d’avoir utilisé leur filiale de communication Havas pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains en assurant des missions de conseil et de communication sous-facturées. Et ce, dans un seul objectif : obtenir les concessions portuaires des lucratifs terminaux à conteneurs", indique le Monde.
Dans un communiqué, le groupe Bolloré a "formellement" démenti mardi toute irrégularité liée à ses activités africaines. Son directeur général Gilles Alix, et le responsable du pôle international de Havas, Jean-Philippe Dorent, ont également été placés en garde en vue.
Une perquisition en avril 2016
Une perquisition avait déjà eu lieu en avril 2016 à la tour Bolloré de Puteaux (Hauts-de-Seine), siège notamment du groupe Bolloré Africa Logistics, en particulier dans les bureaux de Vincent Bolloré, alors PDG du groupe.
C'est en enquêtant sur les relations de Francis Perez, président du groupe Pefaco, une société spécialisée dans l'hôtellerie et les jeux et très implantée en Afrique, que les enquêteurs ont été amenés à se pencher sur les activités africaines de Vincent Bolloré. Francis Perez comptait parmi ses relations Jean-Philippe Dorent, salarié de la société de communication Havas, qui s'est notamment occupé en 2010 de la campagne présidentielle guinéenne du candidat Alpha Condé.
Élu président en novembre 2010, Alpha Condé avait résilié le 8 mars 2011, par décret, la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Conakry octroyée en 2008 pour une durée de 25 ans à Getma, une filiale de l'armateur français NCT Necotrans. Le gouvernement guinéen avait confié quelques jours plus tard la gestion du port au groupe Bolloré, déclenchant une bataille judiciaire entre les deux rivaux. Le groupe avait été condamné en 2013 à verser plus de 2 millions d'euros à NCT Necotrans pour solder ce litige. Le porte-parole du gouvernement guinéen a réagi mardi et indiqué que la concession accordée au groupe "était strictement conforme à la loi."
Jean-Philippe Dorent s'était également chargé d'une partie de la communication du jeune président togolais Faure Gnassingbé, qui avait succédé à son père Gnassingbé Eyadema à la tête du pays. En 2010, année de la réélection de Faure Gnassingbé, le groupe Bolloré remportait la concession du terminal à conteneurs du port de Lomé pour une durée de 35 ans. Une décision elle aussi contestée par un concurrent.
Figure du capitalisme français, Vincent Bolloré, qui s'est forgé une réputation de "raider", après plusieurs coups en Bourse, avait créé la surprise la semaine dernière en renonçant à la présidence du conseil de Vivendi au profit de son fils Yannick Bolloré, après s'être déjà désengagé de Canal+. L'annonce de sa garde à vue a fait plonger l'action du groupe Bolloré à la Bourse de Paris : le titre perdait près de 8 % en milieu de journée, dans un marché pratiquement à l'équilibre.
Avec AFP et Reuters