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Park Geun-hye, reine déchue de la Corée du Sud

La chute de Park Geun-hye, présidente sud-coréenne depuis 2012 et fille de l'ancien dictateur, est aussi spectaculaire qu'elle était encore imprévisible il y a quelques années, alors qu'elle faisait campagne contre la corruption. Portrait.

Park Geun-hye va devoir s’acclimater au quotidien derrière les barreaux, après une vie passée en grande partie dans le faste de la Maison Bleue. C’est dans ce vaste complexe présidentiel situé au nord de Séoul, qu’elle a grandi en tant qu’enfant du dictateur militaire Park Chung-hee, et où elle gouvernait en tant que présidente depuis 2012. La dirigeante sud-coréenne a été condamnée, vendredi 6 avril, à 24 années de prison et 13 millions d’euros d’amende, au terme d’un retentissant procès pour corruption, abus de pouvoir et coercition.

La justice sud-coréenne a fait tomber une icône, dont la vie a fusionné avec l’histoire du pays. Mettant régulièrement en avant son célibat et son plein engagement au service du pays, Park Geun-hye a pris pour modèle la reine Elizabeth Ire d'Angleterre et d'Irlande, surnommée la "reine vierge" : "Je suis mariée à la République de Corée. Je n'ai pas d'enfant. Les Sud-Coréens sont ma famille", a-t-elle lancé.

L’enfance dorée, la vie de "princesse" comme elle était surnommée étant petite, se déroule à l’ombre d’un père, Park Chung-hee, un militaire qui a régné durant plus de quinze ans sur le pays, de 1963 à 1979. La Corée du Sud connaît alors une croissance économique accélérée, pour laquelle les citoyens aujourd’hui âgés nourrissent une grande nostalgie – alimentée et embellie par Park Geun-hye durant sa campagne électorale, tout en se gardant bien de raviver le souvenir des pratiques dictatoriales de cette période, la répression exercée contre les opposants politiques, l’exploitation des sans-abris dans des camps de travail.

Retour triomphal de la dynastie Park

Partie étudier à Grenoble, Park Geun-hye est rappelée à Séoul en 1974, lorsque sa mère, appréciée dans une société encore très traditionnelle, est assassinée par un Nippo-Coréen suspecté d'être aux ordres de Pyongyang. La jeune Geun-hye doit assumer le rôle de Première dame, jusqu’à la mort du père, en 1979, assassiné par son propre chef des services de sécurité.

Pendant la vingtaine d'années qui suivent, Mme Park reste discrète, jusqu'en 1998 où, en pleine crise financière, elle se fait élire députée. Elle n'hésite pas à se servir de son histoire personnelle, ponctuant souvent ses discours de références à "la perte tragique de mes parents tombés sous les balles d'assassins..." Puis gravissant rapidement les échelons politiques, elle est adoubée "reine des élections" et remporte la présidentielle de 2012, recueillant le plus grand nombre de voix depuis le début de l'ère démocratique.

Le fait qu'elle ne se soit jamais mariée et n'entretienne plus de relations avec son frère et sa sœur participent de son pouvoir d'attraction sur un pays habitué aux scandales de corruption impliquant les parents des responsables politiques. Mais c'est la famille d'un louche personnage religieux, Choi Tae-Min, qu'elle choisit comme mentor et qui, au bout du compte, précipitera sa descente aux enfers.

Sous l’influence de "Raspoutine"

Sa relation avec le mystérieux Choi Tae-Min, fondateur d'un mouvement aux allures de secte, avait débuté dans les années 1970 : il lui avait envoyé des lettres lui racontant avoir vu en rêve sa mère défunte.

Choi Tae-Min avait acquis une influence telle qu'une note diplomatique américaine publiée par WikiLeaks avait témoigné de rumeurs selon lesquelles il "contrôlait totalement Mme Park, corps et âme".

À la mort du dirigeant religieux en 1994, sa fille Choi Soon-sil, une amie qui s'occupait déjà de la vie quotidienne de Park Geun-hye, y compris de sa garde-robe, reprend le rôle de son père. L'influence de cette confidente de l'ombre grandira encore après l'accession de Park Geun-hye à la présidence puisqu'elle peut librement entrer dans sa résidence et qu'elle se serait vraisemblablement mêlée de décisions politiques sensibles, et notamment de nominations au sommet.

Quand le scandale de corruption et d'abus de pouvoir éclate en 2016, l'influence de cette "amie de 40 ans" surnommée "Raspoutine" par les médias concentre l'ire des Sud-Coréens lors de manifestations massives pour réclamer le départ de la présidente.

La destitution de Park Geun-hye a finalement été confirmée en mars 2017 par la plus haute cour de justice du pays, ce qui a permis son inculpation, son placement en détention provisoire et son procès. Quant à Choi Soon-sil, elle a été condamnée en février à 20 ans de réclusion pour abus de pouvoir, corruption et ingérence dans les affaires de l'État, pour avoir profité de ses entrées pour soutirer des dizaines de millions dollars de conglomérats, comme Samsung ou Lotte.

Le destin de Park Geun-hye se tisse donc intimement autour de l'histoire de la Corée du Sud, y compris dans le sursaut populaire pour réclamer un renforcement de la démocratie.