Les dernières expertises concernant les moines de Tibéhirine assassinés en 1996 en Algérie révèlent notamment que leur mort datait de plusieurs semaines avant la découverte de leurs têtes, selon Franceinfo qui a pu consulter les documents.
Ils avaient fait le choix de rester en Algérie malgré la guerre civile et avaient été assassinés au printemps 1996. Vingt-deux ans après les faits, la vérité sur l’assassinat des sept moines de Tibéhirine n’a toujours pas été levée, mais petit à petit, l’enquête avance.
Les conclusions des expertises réalisées sur des prélèvements des crânes de Christian de Chergé, Luc Dochier, Paul Favre-Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard, dévoilées par Franceinfo, jeudi 29 mars, confirment des hypothèses déjà évoquées en 2015 sur la base des seules constatations effectuées sur place par les enquêteurs français.
Le rapport de 185 pages démontre ainsi que, de manière "plausible", les moines ont été assassinés "entre le 25 et le 27 avril", soit plusieurs semaines avant la découverte officielle des sept têtes ; que celles-ci ne portent pas de trace de balles ; que les moines ont été décapités après leur mort, ce qui alimente les soupçons sur une possible mise en scène ; et qu'il est "vraisemblable" que leurs têtes aient été inhumées une première fois avant leur découverte le 30 mai 1996.
"Ceux qui savent des choses sont encore au pouvoir en Algérie"
"Il s’agit d’une avancée extrêmement importante dans le dossier, a déclaré à Franceinfo l’avocat des familles des moines, Patrick Baudouin. À la lumière de ces expertises, nous pensons que la version officielle des autorités algériennes – à savoir un enlèvement et une exécution par le GIA –, cette version simpliste, ne tient pas. Il y a trop d’éléments remis en cause par ce rapport, en particulier le fait que la mort des moines est très vraisemblablement bien antérieure à ce qui a été avalisé par les autorités algériennes."
Malgré tout, les experts affirment que "les résultats des analyses n'apportent aucun argument nouveau concernant la cause directe de la mort" des religieux.
La vérité éclatera-t-elle enfin ? Les juges Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut poursuivent leur enquête, mais comme le souligne à Franceinfo Patrick Baudouin, leur travail est délicat car "ceux qui savent des choses sont encore au pouvoir en Algérie".
"Est-ce qu'il y a une implication des militaires ou des services algériens dans cette affaire ?", se demande l'avocat, également interrogé par Reuters. "On voit très bien dans le dossier que les militaires et les services algériens suivaient de très près ce qu'il se passait pendant la période de détention des moines."
Avec AFP et Reuters