On connaissait déjà ces drôles de poissons aux filaments luminescents mais leur processus de reproduction nous était jusqu'alors inconnu.
Depuis jeudi 22 mars, on en sait beaucoup plus sur les lophiiformes, plus communément appelés poissons-pêcheurs : une vidéo publiée par la revue Science nous offre un aperçu de la (terrible) pratique reproductrice de cette espèce. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on aurait presque préféré ne pas la connaître.
En pleine expédition sous-marine près des Açores, un couple d'explorateurs des fonds marins, Kirsten et Joachim Jakobsen, a aperçu "une forme étrange" au fond de l'eau. Ils ont alors suivi la créature pendant 25 minutes, à 800 mètres de profondeur, en filmant ses déplacements à travers le hublot, rapporte Science.
Une opération compliquée puisque la femelle lophiiforme suivie ne mesurait que 16 centimètres, explique Kirsten Jakobsen. Les efforts déployés ont permis d'obtenir les premières images d'un accouplement de deux poissons de cette espèce.
De retour de l'expédition, les explorateurs ont envoyé leurs enregistrements à Ted Pietsch, un chercheur et biologiste des fonds marins de l'Université de Washington à Seattle, spécialisé dans les poissons-pêcheurs. Ce dernier a confirmé à Science que la créature appartenait bien à cette espèce, et a ajouté : "J'ai étudié ces animaux pendant la majeure partie de ma vie, et je n'ai jamais rien vu de tel."
Pour attirer sa proie, la femelle émet non seulement de la lumière avec sa nageoire dorsale, mais les bouts de ses filaments clignotent à intervalles réguliers : du jamais vu pour les scientifiques. Bien que Ted Pietsch suppose qu'il s'agisse de bioluminescence, il n'affirme rien sachant qu'il pourrait s'agir du reflet du sous-marin.
La bouche du mâle fusionne avec la chair de la femelle
Attirés par la lumière – et par l'odeur de la femelle –, le mâle poisson-pêcheur se rapproche de sa dulcinée pour se reproduire, seule chose qu'il fera de sa vie. En effet, les mâles sont si petits que pour ne pas mourir (à cause de leur faible poids dans la chaîne alimentaire), ils doivent se nourrir de la chair de la femelle, contre un peu de leur sperme. En mordant sa proie/compagne, le mâle libère une enzyme qui dissout la peau de cette dernière, mais aussi sa propre bouche : les deux créatures fusionnent, et le cadavre du mâle restera collé à celui de la femelle. Elle pourra ensuite procréer seule, puisque les organes reproducteurs du mâle survivront.
Ce processus était, en théorie, connu des scientifiques : ils s'en doutaient de par le nombre de cadavres de femelles lophiiformes étudiés, mais n'avaient jamais pu l'observer sur des spécimens vivants. Aussi, l'écologiste du Monterey Bay Aquarium Research Institute Bruce Robison a ajouté avoir été bluffé par la flexibilité du mâle, qui parvient à se déplacer malgré son attachement bucal. "Je n'aurais jamais pu deviner cela à partir d'un specimen venant d'un musée", confie-t-il.
Une pratique peu commune – elle aurait bien sa place dans un film d'horreur, avouons-le –, qui offre aux scientifiques quelques éléments supplémentaires sur cette espèce encore méconnue, de par la profondeur de son habitat.
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