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Baitullah Mehsud, le Taliban qui valait 5 millions de dollars

Sa tête était mise à prix pour 5 millions de dollars. Mais difficile de confirmer la mort de Baitullah Mehsud, qui aurait été tué mercredi dans une attaque américaine. Portrait du leader taliban le plus recherché du Pakistan.

Agé d’environ 35 ans, principal chef de la tribu Mehsud au Pakistan, Baitullah s’est imposé depuis 2005 comme le leader des Taliban pakistanais.

Son fief : le Waziristan du Sud, contrefort montagneux situé au nord-ouest de la zone tribale et proche de l’Afghanistan. C’est là que le chef taliban a trouvé refuge et installé plusieurs camps d’entraînements militaro-terroristes, dont certains s’étendent des deux côtés de la frontière.

Ses soutiens : Baitullah peut s’enorgueillir d’avoir pour mentor et modèle le fameux mollah Mohammad Omar, chef des Taliban afghans, et d’avoir publiquement fait allégeance à Al-Qaïda. Le département d’État américain le décrit d’ailleurs comme "un facilitateur clé d’Al-Qaïda dans les zones tribales". Surtout, Baitullah Mehsud a pris la tête du Mouvement des Taliban du Pakistan (Tehreek-e-Taliban Pakistan ou TTP), un réseau fédérant depuis 2007 une quarantaine de mouvements islamistes au nord-ouest des zones tribales. Le TTP rassemblerait environ 60 000 combattants lourdement armés, dont 10 000 à 20 000 sous les ordres de Mehsud.

Ses faits d’armes : Islamabad et Washington le soupçonnent d’être derrière les plus sanglants attentats perpétrés ces deux dernières années, depuis l’assaut donné par l’armée pakistanaise en 2007 contre la Mosquée rouge d’Islamabad, devenue un foyer islamiste radical. Ainsi, Baitullah Mehsud aurait préparé l’attentat contre l’hôtel Marriott à Islamabad en septembre 2008, l’assassinat de l’ancien Premier ministre Benazir Bhutto en décembre 2007, ou encore l’attaque contre le siège des services secrets pakistanais – l’Inter Services Intelligence – au printemps dernier. Parmi les quelque 200 attaques dénombrées depuis l’été 2007, la plupart porteraient sa signature.

De l’homme discret au leader taliban

Pourtant, avant 2005, Baitullah n’était qu’un militant parmi d’autres, à la tête d’une dizaine de combattants à peine, et réputé piètre négociateur. Les raisons de son ascension chez les Taliban pakistanais tiennent à la fois à son parcours et à un concours de circonstances.

Comme son maître en djihad mollah Omar, Baitullah Mehsud est un homme discret qui ne se laisse pas photographier. De rares clichés montrent son visage aux trois quarts caché par un pan de son turban, mais son histoire personnelle est plus connue.

Baitullah est le fils d’une modeste famille du district de Bannu, voisin du Waziristan du Sud. Après son éducation dans une école religieuse, il aurait, selon certains témoignages, fait ses classes en Afghanistan contre l’armée soviétique à la fin des années 1980. Au milieu des années 1990, sa présence est attestée en Afghanistan, où il combat aux côtés des Taliban, et prête serment d'allégeance au mollah Omar. Il revient ensuite dans son fief du Waziristan, où il accueille à partir de 2001 des combattants étrangers, arabes et ouzbeks notamment, obligés de se replier après l’offensive américaine.

Mais Baitullah est alors un militant parmi d’autres. Ce n’est qu’en 2005 qu’il émerge vraiment dans le mouvement taliban pakistanais, en négociant avec le gouvernement local un accord de paix pour la zone du Waziristan du Sud. Cet accord lui permet d’avoir les coudées franches pour recruter et entraîner de nouveaux combattants, puis pour relancer la guérilla et évincer l’armée pakistanaise de la zone. C’est alors un ancien prisonnier de Guantanamo, Abdullah Mehsud, qui dirige les islamistes armés dans la région. Mais ce dernier est tué en juillet 2007 lors d’un assaut de l’armée pakistanaise dans le Balouchistan (sud-ouest des zones tribales). Baitullah prend alors la tête du mouvement taliban pakistanais, qui se fédère au même moment autour du TTP.

Il était depuis l'homme le plus recherché du Pakistan et avait plusieurs fois échappé à des bombardements américains. Mercredi, un drone de l'armée américaine a visé l'un de ses refuges au Waziristan du Sud, tuant sa seconde épouse. Baitullah Mehsud est-il mort dans cette même attaque ? Oui selon plusieurs responsables pakistanais et des habitants de la zone, mais l'information reste toutefois à confirmer.