Plus qu’une désillusion sportive, la défaite du PSG face au Real Madrid constitue un revers à la portée diplomatique significative pour le Qatar, actionnaire majoritaire du club. Un coup de canif dans sa stratégie de "soft power" à travers le sport.
Deux jours après avoir subi une nouvelle désillusion majeure en Ligue des champions, le PSG n’est pas sorti de la tourmente. À l’heure de désigner les coupables de cette Berezina sportive, dirigeants, joueurs et staff technique sont tour à tour l’objet d’une mise au pilori dans les médias de France et d’Europe. Mais depuis le 6 mars, dans les coulisses du Parc des Princes, on ne décolère pas non plus. Pour l’actionnaire Qatar Sports Investments (QSI), cette défaite constitue un véritable camouflet, et pas uniquement sur le rectangle vert.
Depuis le rachat du club en 2011, QSI a investi plus d’un milliard d’euros pour parvenir à jouer les premiers rôles en Europe. Le coup d’accélérateur de l’été dernier, avec quelques 400 millions d’euros injectés dans le marché des transferts (Neymar, Mbappé, Berchiche…), devait permettre au club d’atteindre pour la première fois les demi-finales de la C1 depuis le début de l’ère qatarie. Six mois plus tard, le constat est sans appel : surclassé par le Real Madrid, Paris n’est toujours pas parvenu à réintégrer un top 8 européen qu’il avait quitté un an plus tôt, après une déroute déjà marquante – pour ne pas dire historique – à Barcelone.
Déconvenue diplomatique
Au-delà de la déception purement sportive, c’est toute la stratégie de "soft power" du petit état du Golfe qui a pris du plomb dans l’aile. Lorsque le Qatar a misé sur le PSG, il voulait en faire un rival des grands d’Europe, et notamment du richissime Manchester City, lui aussi en quête de sa première C1 depuis qu’il est passé sous pavillon émirati en 2008. Qatar – Émirats arabes unis, une rivalité qui dépasse les frontières du sport, et qui a pris une dimension encore plus importante depuis la crise du Golfe, en juin dernier, et la rupture diplomatique consommée entre les deux pays.
Doha, qui doit composer avec une crise diplomatique d’ampleur avec ses voisins, pouvait entretenir l’espoir d’obtenir une victoire hautement symbolique grâce à son PSG, en témoigne la présence de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani et de son père, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, dans les travées du Parc, mardi. Il n’en a rien été.
Battu, QSI doit ronger son frein un an de plus et surtout observer du coin de l’œil le parcours de son rival mancunien. Les Citizens, intraitables en Premier League, seront bien au rendez-vous des quarts et ils peuvent légitimement prétendre au titre en Ligue des champions.
Derrière le PSG, une multitude de leviers
Pour autant, l’investissement qatari au PSG sur le long terme ne semble pas être remis en cause. Contacté par l’AFP, une source proche du club basée à Doha affirme que "le projet ne s’arrête pas", d’autant que "l’investissement a été énorme, et il se poursuit". Difficile, en effet d’imaginer que QSI se désengage au vu des efforts consentis ces derniers mois.
Avec un PSG en "quarantaine européenne" jusqu’à l’automne prochain, le Qatar n’est toutefois pas dépourvu d’outils pour continuer son opération séduction. Même sans Paris, sa chaîne sportive BeIN Sport, filiale française d’Al-Jazeera Sport, continuera de diffuser la C1 et le minuscule état gazier ne fera pas l’impasse sur un autre élément majeur de sa stratégie : l’organisation de grands événements.
Après avoir accueilli les mondiaux de handball en 2015 et ceux de cyclisme en 2016, Doha recevra les championnats du monde d’athlétisme en 2019 avant d’organiser la Coupe du monde de football 2022. Un programme marathon pour la "nation candidate", formule forte employée à l’automne 2013 par le cheikh Saoud bin Abdulrahman al-Thani, secrétaire général du Comité olympique du Qatar. Et il se murmure avec de plus en plus d’insistance que le Qatar pourrait monter un dossier de candidature à l’organisation des Jeux olympiques 2032, les échéances précédentes ayant été décrochées par le double ticket Paris - Los Angeles. Preuve que, PSG ou pas, le Qatar dispose de plusieurs cordes à son arc en matière de diplomatie sportive.