
Le 8 août, les habitants des villes de Jaffna et de Vavuniya (nord du Sri Lanka) sont invités à se rendre aux urnes pour les premières élections locales depuis 1998. Un scrutin qui intervient quatre mois après la chute des Tigres tamouls.
Pour la première fois depuis 1998, des élections locales vont se dérouler, le 8 août, dans les villes de Jaffna et Vavuniya, dans le nord du Sri Lanka.
Un scrutin qui intervient après la chute, en mai dernier, de la rébellion des Tigres tamouls, terrassée par les forces gouvernementales après plus de 30 ans de lutte armée.
Les deux villes se situent en bordure de la zone anciennement dominée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Les habitants sont pour la plupart des Tamouls. Les autorités ont pris le contrôle de Jaffna en 1995 mais les rebelles y ont circulé librement pendant une trentaine d’années. Selon les Nations unies, entre 80 000 et 100 000 civils ont péri pendant ce conflit ethnique.
Colombo affirme que le scrutin doit permettre à la population de renouer avec "la démocratie après avoir vécu sous le joug du LTTE".
"Le gouvernement veut prouver que la victoire militaire ne lui suffit pas et qu’il s’intéresse aussi à l’avenir politique de la région", affirme à FRANCE 24 Jehan Perera, directeur de l’ONG National Peace Council.
Les journalistes indépendants interdits d’élections
L'accès à ces deux villes, fortement limité, exige cependant des autorisations spéciales auprès du ministère de la Défense, une façon pour le gouvernement de garder un contrôle étroit sur cette région après la victoire militaire.
Les autorités ont même annoncé, le mardi 4 août, qu’elles allaient encore augmenter les mesures de sécurité. Les médias indépendants ne seront pas non plus autorisés à pénétrer dans cette zone pour des "raisons de sécurité". Une décision que des organisations comme Reporters sans frontières (RSF) ont vivement critiquée.
D’après un communiqué de RSF, le chef du centre gouvernemental d’informations sur la sécurité, Lakshman Hulugalle, a fait savoir que les journalistes devront se contenter des informations fournies par les médias officiels.
A quelques jours du scrutin, il reste difficile de faire un pronostic sur l’issue d’élections qui se résument à une bataille entre le Parti populaire démocratique de l’Eelam (EPDP) et l’Alliance nationale tamoule (TNA), qui ont longtemps soutenu les rebelles. "Les habitants qui attendent une certaine tranquillité et un retour à l'emploi peuvent pencher pour le parti pro-gouvernemental, mais ils pourraient tout aussi bien voter pour la TNA en signe de défiance vis-à-vis de Colombo ", estime Jehan Perera.
Manque d’intérêt
Si, entre les candidats, la campagne s’avère féroce, les électeurs semblent assez peu intéressés par le vote dans une région encore profondément marquée par la guerre.
Sur plus de 100 000 électeurs inscrits sur les listes à Jaffna, près de 40 % d’entre eux ne vivent pas sur place, d’après Paffrel, un organisme sri-lankais qui supervise le scrutin. Sur ces 40 000 électeurs, seulement 7 100 ont demandé à voter depuis une autre région ou par courrier.
"On ne peut que saluer un retour des mécanismes démocratiques, mais ce que veut la population avant tout, c’est la normalité, rappelle à FRANCE 24 Rohan Hettiarachchi, l’un des responsables de Paffrel. La plupart des gens attendent maintenant que leurs proches puissent rentrer des camps de réfugiés."
Selon les Nations unies, environ 300 000 personnes ont dû fuir leur domicile et attendent dans des camps gardés par l’armée, comme ceux situés à Jaffna et à Vavuniya. D’après Paffrel, de bureaux de vote ont spécialement été aménagés pour eux, mais peu d’entre eux ont exprimé le désir de voter.
L’ONU a plusieurs fois demandé à Colombo d’accélérer le processus d’identification des anciens combattants des Tigres tamouls afin de permettre à la population civile de circuler librement et de quitter les camps.
Le mercredi 5 août, le gouvernement central a enfin autorisé les 1 100 premiers réfugiés à retourner chez eux. Le président Mahinda Rajapakse a promis que la plupart d’entre eux pourront retrouver leur domicile d’ici à décembre.