La réforme européenne sur le travail détaché, examinée lundi par les ministres du Travail européens, divise les pays membres. Contrairement à la Pologne, la France souhaite un durcissement des règles visant à réduire le dumping social.
La France ne dispose plus que de quelques jours pour convaincre les opposants européens de la réforme de la directive du travail détaché en Europe. Les 28 pays de l'Union européenne vont tenter, à partir de lundi 23 octobre, de s'accorder sur des modifications de ce statut, sur fond de désaccord entre Paris et les pays de l'Est, Pologne en tête. Un nouveau texte pourrait être adopté jeudi par le Parlement européen, tandis que les ministres du Travail des pays membres tentent de trouver un accord préalable lundi à Luxembourg.
Le détachement des travailleurs permet à des Européens de travailler à titre temporaire dans un autre pays de l'UE que le leur. Il doit au moins être payé au salaire minimum du pays d'accueil - sans les primes -, mais continue de payer les cotisations sociales dans son pays d'origine.
Le président français, Emmanuel Macron, qui à peine élu avait réclamé un durcissement de la réforme, s'en prenant à la Pologne et aux trois autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie), partisans d'un statu quo, a indiqué vendredi "souhaiter finaliser le plus rapidement possible un accord".
La France, l'Allemagne et la Belgique sont les trois États membres qui attirent le plus de travailleurs détachés, d’après des chiffres d’Eurostat datant de 2015. Ils reçoivent à eux seuls près de 50 % de l'ensemble des travailleurs détachés. La Pologne quant à elle, représente la première nationalité de main-d'œuvre détachée de l’UE.
Des règles identiques pour tous les travailleurs
En révisant la directive, l'exécutif européen souhaiterait que toutes les règles valables pour les travailleurs locaux s'appliquent désormais aux détachés : ainsi, par exemple, si le pays d'accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d'ancienneté, un treizième mois, ces bonus devront aussi leur être versés.
Jusqu’ici, les règles sur le détachement des travailleurs n’ont pas évoluées alors qu’elles ont été fixées en 1996, soit huit ans avant l'élargissement de l'UE à l'Est. Dans la directive initiale, il est simplement spécifié que les travailleurs détachés doivent toucher le salaire minimum du pays d'accueil. Or l'élargissement de l'UE à l'Est en 2004, avec l'arrivée de dix nouveaux pays, aux niveaux de vie et salaires plus bas, a bouleversé la donne, engendrant une concurrence déloyale entre entreprises et du dumping social.
Trois points posent particulièrement problème. Premièrement, la durée du détachement : l'exécutif européen a proposé de le limiter à 24 mois, mais la France, qui a réussi à convaincre l'Allemagne, les pays du Benelux et l'Autriche, plaide pour 12 mois.
Autre point sensible, la date d'application de la nouvelle directive : Paris souhaiterait qu'elle s'applique dans les deux ans suivant son adoption. La Commission a proposé trois ans et les pays de l'Est réclament, eux, cinq ans.
Le cas sensible des routiers espagnols
Enfin, certains pays, dont l’Espagne veulent exclure le domaine des transports routiers de la réforme, au risque de paralyser les discussions. Ils s'inquiètent des conséquences négatives sur leurs chauffeurs. Jeudi soir, Emmanuel Macron a profité d'un sommet de l'UE à Bruxelles, pour évoquer ce dossier en tête à tête avec le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy.
L'Espagne comme le Portugal, qui n'ont que la France comme porte d'entrée sur l'Union, effectuent des opérations de cabotage - une pratique qui consiste à quitter un pays avec un véhicule et à charger puis décharger, à plusieurs reprises, dans un autre pays - dans l'Hexagone et concurrencent ainsi les routiers français.
Le poids de l’Espagne et ses prises de positions sur ce domaine spécifique pourrait faire basculer l’ensemble du vote sur les travailleurs détachés. Aussi, selon deux sources proches du dossier, un compromis pourrait se dessiner. Il s’agirait d’appliquer aux chauffeurs routiers l'ancienne directive du travail détaché concernant la rémunération - c'est-à-dire qu'ils recevraient le salaire minimum du pays d'accueil, mais pas les primes -, jusqu'à ce qu'une autre réforme consacrée au transport routier spécifie les règles pour ce secteur.
Avec AFP