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Catalogne : Puigdemont tente de composer avec les différentes voix indépendantistes

Ils ont tous voté "oui" lors du référendum de la Catalogne, mais depuis le vote, certains indépendantistes se montrent divisés sur l'avenir de la région. Des sensibilités qui révèlent les dissensions au sein du Parlement régional.

Depuis l’annonce des résultats du référendum sur l’autodétermination de la Catalogne, le mouvement indépendantiste traditionnellement soucieux d’afficher un visage uni laisse transparaître quelques nuances. Alors que le président de la Catalogne Carles Puigdemont a répété, mercredi 4 octobre, sa volonté de "mettre en œuvre le résultat du vote" (90 % de ”oui”) en proclamant l'indépendance, plusieurs indépendantistes interrogés par France 24 se montrent divisés sur la marche à suivre post-réferendum.

Indépendantiste de la première heure, Anna, 30 ans, a pris acte de la “victoire du oui” mais juge pourtant ce divorce avec l’Espagne “trop précipité”. “Ce serait tellement mieux d’attendre", estime la psychologue, qui plaide pour un dialogue avec Madrid et l’Union européenne.

"Trop peu de gens ont voté oui"

David, 27 ans, qui a voté “oui” lors du “1-O” (1er octobre), juge cette idée inappropriée : “On ne peut pas déclarer une indépendance de façon unilatérale quand trop peu de gens ont voté 'oui', estime l’employé municipal en référence au taux de participation évalué à 43 %. En mobilisant environ deux millions de personnes [sur les 5,3 millions d'électeurs en Catalogne], on peut simplement espérer que le gouvernement espagnol cesse d’être indifférent à notre cause et accepte d’enfin négocier avec la Generalitat [le Parlement catalan]. C’est ce qu’on attend depuis plusieurs années. Ensuite, on pourrait organiser un scrutin légal auquel tout le monde pourrait participer."

En revanche, Nora, 28 ans, exulte à l’idée que la région puisse bientôt s’affranchir de l’Espagne. “C’est la suite logique après les 90 % de 'oui' au référendum, se réjouit l’employée de mairie. J’espère juste que la violence de la garde nationale et le discours odieux de Mariano Rajoy qui n’a pas eu un mot pour les blessés vont nous permettre d’avoir le soutien de la communauté internationale.”

Ces différentes sensibilités reflètent les divergences des différentes formations politiques indépendantistes qui ne s’accordent pas sur la marche à suivre post-référendum. La coalition au pouvoir dans la région, "Junts pel Si" (Ensemble pour le “oui”), composée de la gauche républicaine (ERC) et du parti d’Artur Mas (PDeCAT), souhaiterait proclamer symboliquement l’indépendance cette semaine, tout en laissant passer plusieurs mois avant de la mettre en application. Ils espèrent ainsi permettre à l’Espagne et l’Europe d’ouvrir une négociation sans dérégler l’économie catalane ni écorner son image sur la scène internationale.

Mais la frange la plus modérée de PDeCAT plaide pour une déclaration progressive de l’indépendance en convoquant dans la foulée des élections catalanes anticipées.

L’ANC et l’Omnium, moteurs dans la mobilisation

Sauf que les dirigeants d’extrême gauche de la CUP ne l’entendent pas ainsi et mettent le président Carles Puigdemont sous pression pour exiger que le "Parlement se conforme à la loi du référendum et déclenche une déclaration d'indépendance sans délai". Les associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, qui se sont illustrées par leur logistique en mobilisant de nombreux Catalans lors des différents rassemblements, soutiennent également cette option. Conséquences directes de cette rupture : le retrait de la Catalogne de la police nationale et de la guardia civile mais aussi le transfert d’argent des impôts espagnols sur les comptes de la Generalitat.

Voilà pourquoi Carles Puigdemont, qui avait pendant un temps privilégié la "négociation", souffle le chaud et le froid depuis l’annonce des résultats. Reste qu’il va devoir prendre une décision en composant avec toutes ces formations politiques, y compris les plus radicales. Il ne peut pas se permettre de perdre le soutien de l’ANC, qui remplit les rues rapidement, ni léser la CUP, qui sort renforcée après avoir organisé la journée de grève de mardi. De son côté, Ada Colau, la maire de gauche de Barcelone qui, comme 80 % des Catalans, était pour un référendum d’autodétermination, rappelle que les séparatistes ne pourront pas proclamer "tous seuls" une indépendance que personne ne leur reconnaîtrait. En attendant, le président de la Catalogne joue la montre en espérant vivement que l’Union européenne influe sur Mariano Rajoy.