Après des mois de désaccords et des retards à répétition, les créanciers de la Grèce espèrent s'entendre jeudi à Luxembourg sur le versement d'argent frais à Athènes, qui écarterait le risque d'une nouvelle crise.
Les discussions s'annoncent longues et difficiles jeudi 15 juin à Luxembourg entre les 19 ministres des Finances des pays ayant adopté la monnaie unique - l'Eurogroupe - et la directrice générale du FMI Christine Lagarde. L’objectif du sommet ? Relancer le troisième plan d'aide à la Grèce. D’un montant de 86 milliards d'euros, le plan a été signé en juillet 2015 mais il patine depuis des mois, empêchant le versement d'une nouvelle tranche d'aide au pays. Dans ce contexte tendu, la proposition française d'un mécanisme d'ajustement des mesures à moyen terme sur la dette en fonction du rythme de croissance pourrait être un compromis à même de sortir de l'impasse.
"On y arrivera jeudi, vous verrez", a promis mardi le très influent ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, lors d'une interview à Bloomberg. Mais la Grèce, furieuse que ce déboursement puisse s'effectuer sans engagement des Européens sur un allègement de sa dette, a déjà laissé entendre qu'elle pourrait bloquer l'accord. Depuis des mois, l'équation reste la même : l'Allemagne exige que le FMI participe financièrement au plan d'aide, mais celui-ci ne veut pas le faire sans engagement des Européens à alléger la dette grecque (179 % du PIB)... ce que Berlin refuse d'imaginer avant les législatives de septembre.
Pour parvenir à un compromis et permettre à la Grèce de rembourser plus de sept milliards d'euros de créances urgentes en juillet, le FMI semble prêt, cette fois-ci, à temporiser sur ses exigences. Concrètement, il donnerait son "accord de principe" à sa participation au plan d'aide, acceptant de renvoyer à plus tard les discussions sur la dette, afin de satisfaire l'Allemagne. Mais il ne débourserait pas un centime tant qu'un allègement n'aura pas été formellement accordé par les Européens.
Bruno Le Maire optimiste
Un compromis jugé inacceptable par la Grèce, qui craint que sans réaménagement de sa dette, son retour sur les marchés d'emprunt soit retardé. "Si Schäuble ne change pas de position, et il n'y a pas jusque-là de signal en ce sens, il n'y aura pas de solution à l'Eurogroupe", a ainsi affirmé une source gouvernementale grecque à l'AFP. "La Grèce a mené, au cours des deux dernières années, plus de réformes que l'ensemble des pays européens réunis", a fait valoir mercredi le Premier ministre grec Alexis Tsipras dans une tribune publiée dans les quotidiens Le Monde et Die Welt. "Nous avons fait ce qui nous incombait et (...) nous attendons que nos créanciers en fassent de même", a-t-il ajouté, dans un plaidoyer pour un "réaménagement de la dette" grecque.
Athènes est favorable à la proposition française portée par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, de subordonner des mesures d'allègement de la dette aux performances économiques de la Grèce. Selon Alexis Tsipras, ce compromis permettrait une évaluation positive de la capacité de la Grèce à gérer durablement sa dette.
Reste à convaincre les Allemands. À l'issue de l'entretien qu'il a eu lundi à Athènes avec Alexis Tsipras et le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos, Bruno Le Maire, s'était dit confiant sur les chances de la Grèce de parvenir à un accord sur de nouveaux prêts de ses créanciers européens. "Depuis quinze jours, je multiplie les rencontres et je suis optimiste que nous aurons une bonne solution, nous ne sommes pas loin d’un accord", a déclaré le ministre français.
En cas d'échec à l'Eurogroupe, la Grèce demandera à ce que la question de la dette soit portée au niveau des chefs d'État, en marge du sommet européen qui doit se tenir les 22 et 23 juin à Bruxelles, selon une source gouvernementale grecque. Les ministres de la zone euro feront tout pour éviter un tel scénario, qui rappelle la crise de 2015, où la possibilité d'un "Grexit" avait été envisagée.
Avec Reuters