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Rupture des relations avec le Qatar : guerre froide dans le Golfe

Trois États du Golfe, dont l'Arabie saoudite, ont rompu lundi leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusé de soutenir le "terrorisme". Doha accuse ses voisins du Golfe de vouloir l'étouffer économiquement.

C'est un séisme diplomatique qui secoue le Moyen-Orient. Lundi 5 juin, l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, suivi du Yémen, ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, qu'ils ont décidé d'isoler totalement en lui fermant leur espace aérien et leurs frontières terrestres et maritimes. 

Les grandes compagnies aériennes Emirates et Etihad, de Dubaï et d'Abou Dhabi respectivement, ont annoncé la suspension de toutes leurs liaisons avec le Qatar à partir de mardi matin et ce "jusqu'à nouvel ordre". Les diplomates du Qatar ont 48 heures pour quitter leurs postes dans ces pays. Les citoyens qataris ont pour leur part 14 jours pour quitter le territoire et les ressortissants saoudiens, bahreïnis et émiratis se voient interdire de se rendre au Qatar.

Cette crise sans précédent n'a pas tardé à affoler les marchés : la Bourse de Doha a chuté de 8 % à l'ouverture des transactions.

Riyad, Manama et Abou Dhabi ont justifié la rupture de leurs relations diplomatiques avec le Qatar par son "soutien au terrorisme", y compris à Al-Qaïda, le groupe État islamique (EI) et la confrérie des Frères musulmans. Selon l'Arabie saoudite, Doha soutient aussi "les activités de groupes terroristes soutenus par l'Iran dans la province de Qatif (est)", où se concentre la minorité chiite du royaume saoudien, ainsi qu'à Bahreïn, secoué depuis plusieurs années par des troubles animés par la majorité chiite de ce pays.

"Violation de sa souveraineté", selon le Qatar

Le Qatar a rejeté une décision prise "en coordination avec l'Égypte", "injustifiée" et "sans fondement". Doha y voit un "objectif clair : placer l'État [du Qatar] sous tutelle, ce qui marque une violation de sa souveraineté", a affirmé le ministère qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohamed ben Abdulrahmane Al-Thani. Le Qatar "n'interfère pas dans les affaires d'autrui" et "lutte contre le terrorisme et l'extrémisme", a-t-il ajouté.

Cette crise diplomatique, qui intervient 15 jours après une visite à Riyad de Donald Trump – au cours de laquelle le président américain a exhorté les pays musulmans à se mobiliser contre l'extrémisme –, est la plus grave depuis la création en 1981 du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Le CCG regroupe l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.

Piratage

Cette tension au sein du Golfe est latente depuis plusieurs semaines. Le 20 mai, le Qatar s'est dit victime d'une campagne "mensongère", l'accusant de "soutien" au terrorisme, en amont de la visite du président Trump en Arabie saoudite.

Quatre jours plus tard, Doha a annoncé que son agence de presse avait été "piratée par une entité inconnue" et que de "fausses" déclarations ont été attribuées à son émir, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani. Parmi les sujets cités figuraient l'Iran, le Hezbollah, le Hamas et les Frères musulmans, des propos que des médias du Golfe se sont empressés de relayer malgré les démentis de Doha, qui a ouvert une enquête.

"Restez unis"

La pression s'est alors accentuée dans la région. "Le Qatar divise les Arabes", a titré le quotidien émirati Al-Bayane, tandis que le journal saoudien Al-Hayat a affirmé que les propos prêtés au cheikh Tamim ont provoqué "une indignation à grande échelle". De son côté, le chef de la diplomatie qatari a dénoncé "une campagne médiatique hostile à l'État du Qatar" à laquelle, dit-il, l'émirat "fera face".

Depuis, des enquêteurs du FBI américain aident le Qatar à déterminer l'origine d'un "piratage" présumé de son agence de presse officielle. La décision a provoqué une réaction mesurée de Washington, qui a invité les pays du Golfe à rester "unis".

Avec AFP