logo

Israël : la fermeture soudaine de la chaine publique "1" crée dépit et inquiétudes

La toute première chaîne publique d’information de l’État d’Israël a cessé d’émettre le 10 mai, après quarante-neuf ans d'existence. Un préalable à la création d’un nouveau réseau de radio-télévision public.

Deux heures de préavis pour rendre l’antenne après quarante-neuf années de diffusion. La chaîne publique israélienne "1" a cessé de diffuser, mardi 9 mai, dans la précipitation : les journalistes, informés à la dernière minute de cette fin anticipée, ont improvisé des adieux en plateau, souvent les larmes aux yeux.

Michal Rabinovich, la présentatrice de Mabat LaHadashot ("Coup d’œil sur l’actualité"), le programme d’info phare de la chaîne raconte à France 24 : "Je me dirigeais vers le studio quand le téléphone a sonné, mardi soir, quarante minutes avant le journal. C’était mon rédacteur en chef pour me dire que ce serait la dernière édition". La présentatrice de 45 ans poursuit : "Cette chaîne a été pour moi une famille, une maison et ma voix a tremblé quand j’ai dit : 'Shalom Mesdames et Messieurs, ce soir c'est la dernière édition de "Mabat" de Jérusalem'". Pour la journaliste, ce qui s’est passé est "un drame jamais vu à l'écran en Israël et qui a fait pleurer le pays tout entier".

Il faut dire qu’avec la fermeture de "1", créée en 1968, c’est bien une page de l’histoire de la télévision israélienne qui se tourne : le canal "1" aura, en effet, été la toute première chaîne publique d’information du pays – la seule même, jusqu’en 1993. Elle a donc accompagné les Israéliens pendant près d’un demi-siècle. "En 49 ans et une semaine d’existence, la chaîne a couvert des moments historiques de l’État d’Israël, et il y en a eu beaucoup. Des gouvernements sont tombés, il y a eu des guerres, des opérations militaires, des accords de paix historiques et l’assassinat d’un Premier ministre", rappelle Michal Rabinovich. Dans un communiqué, le président de l'État d'Israël, Reuven Rivlin, a salué "la fin d’une ère" en remerciant les équipes d'avoir "accompagné, dans toutes leurs dimensions, les mouvements diplomatiques, politiques et sociaux".

"Tempête politique"

Si la fin soudaine de la "1" a suscité la stupéfaction, l’avenir de la chaîne était scellé depuis un moment : les journalistes pensaient faire leurs adieux en bonne et due forme dans quelques jours, dimanche 14 mai. David Hahn, l’administrateur judiciaire de l’Autorité de radiodiffusion d’Israël, a informé le 9 mai le comité économique de la Knesset – le Parlement israélien – de la fermeture immédiate de la chaîne. Une décision “nécessaire", selon lui, pour faciliter, dès lundi, le début des opérations du nouveau réseau de radio-télévision public.

Dans le cadre d’une nouvelle loi sur la radiodiffusion publique, l’Autorité de radio-diffusion (IBA) dont la chaîne "1" était le navire amiral doit, en effet, être remplacée par une nouvelle entité : la Public Broadcasting Corporation (PBC). Officiellement, la réforme vise à dynamiser et à moderniser un service public à bout de souffle face aux chaînes privées. Mais certains s’inquiètent d'une possible volonté d'emprise de Benjamin Netanyahou sur l'information. Le Premier ministre israélien a d'abord soutenu la réforme avant d'essayer de la torpiller craignant, selon Haaretz, que la nouvelle entité lui soit "plus hostile". Dans un article, The Jerusalem Post va jusqu'à évoquer une "tempête politique" concernant le "degré de contrôle du gouvernement sur le nouvel organisme”.

Contrairement à beaucoup de ses collègues qui ont perdu leur emploi, Michal Rabinovich continuera à travailler dans la nouvelle radiodiffusion publique, où elle présentera un programme quotidien à partir du 15 mai : "Je sais que ce ne sera pas la même chose, mais je crois à une radiodiffusion publique fiable et équilibrée, démocratique et libre".